C’est le moment ou jamais de vous lancer dans « BoJack Horseman » !


Article motivationnel dans le but avoué de vous contraindre à marathoner BoJack Horseman. Si vous n’avez pas encore commencé, n’ayez crainte il est encore temps. Promis, ces 5 saisons et demie vont vous combler et vous serez au top pour la deuxième partie de la saison 6 qui arrive en janvier 2020. Attention : cette présentation est pleine de spoiler mais c’est le risque aussi quand on est retard sur une série donc ne m’en voulez pas !


Vous avez certainement amplement entendu parler de BoJack Horseman, la série d’animation créée par Raphael Bob-Waksberg (Undone) avec le concours de Lisa Hanawalt, qu’il showrunne depuis 2014 sur Netflix. Dans un univers où humains et animaux anthropomorphisés cohabitent, BoJack Horseman est un cheval d’une cinquantaine d’années, ancienne gloire de la télé des années 90 pour son rôle principal dans une sitcom à succès. L’ancienne bête de scène est désormais en proie à un profond mal-être, alcoolique, mais tente de reprendre sa vie en main avec beaucoup de difficultés. Et oui, il est clair que nombre de vos amis vous ont déjà pitché cette « dramédie » que vous laissez moisir dans votre liste de série Netflix « à regarder un jour », une pépite sur laquelle vous n’arrivez pas à vous lancer et je vous comprends. C’est vrai, dans un tel océan de nouvelles séries toutes plus appétissantes les unes que les autres, commencer avec plus de 5 saisons de retard est un challenge. Et vous ne pouvez pas attaquer directement à la 6è parce que vous n’allez rien comprendre et réfléchissez donc à marathoner ces 69 épisodes (hihi 69 wink). C’est donc un gros investissement de temps de votre côté, est-ce que ça en vaut vraiment la peine ? Ma réponse est OUI !!! Voilà, fin de l’article 🙂 Alors on me souffle dans l’oreillette que c’est un peu léger, on ne se connaît pas donc vous pensez que je suis peut-être un peu partiale parce que j’aime les chevaux et que j’ai fait activité Poney quand j’étais enfant (non, pas du tout). On va donc faire comme ça : je vais vous dire pourquoi j’aime cette série d’amour et vous déciderez si ça vous tente. En gros, je vous aide à déterminer, dans votre cœur, si vous avez vraiment envie de consacrer ces quelques heures à découvrir BoJack Horseman et son univers. Allez c’est parti :

BoJack’s Theme

J’adore le générique d’ouverture de BoJack Horseman. La chanson est un délice, composé par Patrick Carney, le batteur des Black Keys. Les sons de synthé étranges et syncopés du début nous annoncent que cette série va sentir l’alcool, la drogue et les gens bizarres. Mais ce sont surtout ces incroyables cuivres qui emportent le générique vers le jazz et annoncent le ton mélancolique et élégant de BoJack qui restent en mémoire. Ces cuivres sont joués par Ralph Carney, un grand saxophoniste et l’oncle de Patrick. Suite à son décès en 2017 un hommage est glissé au début du générique de la saison 5 Pour en savoir plus sur cette chanson, vous pouvez écouter ce sympathique podcast qui raconte la genèse du morceau :

Visuellement, on va passer la majeure partie du générique avec la tête de Bojack face caméra, au centre du premier plan, qui se décompose au fur et à mesure de sa journée qui défile dans le décor au second plan. Il y a 1001 détails à repérer, c’est d’une richesse incroyable et d’une efficacité visuelle folle. Au fil des saisons, le générique évolue pour nous donner plein d’indices sur ce qu’il va se passer. Saurez-vous les décoder ? Moi j’adore ! Petit exercice motivationnel : ces génériques étant des condensés de l’esprit imprimé à chaque saison, je vous invite à regarder ce petit montage qui les enchaîne tous pour vous donner envie de toutes les découvrir. Ça prend 5 minutes et ça vous donnera une idée de l’ambiance de la série dans sa globalité :

J’ai aussi beaucoup de tendresse pour la chanson qui conclut les épisodes. Grâce à la voix fragile du chanteur de Grouplove, elle se fredonne sans complexe. En plus avec tous les problèmes de sécheresse en ce moment, je pense qu’on peut se permettre de mal chanter. Assumons nos voix de crécelles !

Des sentiments et de l’engagement

Au-delà de cette jolie porte d’entrée qu’est le générique, à quoi vous attendre quand vous allez pénétrer dans l’univers de BoJack Horseman ? Côté feeling, sachez que cette série envoie du lourd dans toutes les directions : des larmes, du rire, des personnages attachants. C’est donc une dramédie, comme on dit maintenant : en gros on vous raconte une histoire sérieuse mais avec une belle dose d’humour. J’ai choisi volontairement dramédie plutôt que comédie dramatique parce que pour être honnête, pour moi, BoJack Horseman c’est avant tout un drame. L’histoire de BoJack est celle d’un connard, de quelqu’un qui souffre, qui se voile la face, qui fait souffrir son entourage, qui essaie d’aller mieux parfois de la pire façon possible. Mais il essaie, il se bat avec lui-même, il prend doucement conscience de ce qui ne va pas chez lui. Il essaie d’être un peu moins une ordure et on a envie de le suivre pour ça (ou de lui mettre des claques aussi parfois). On va donc parler de dépression, d’alcoolisme, de toxicomanies de toutes sortes, d’enfance malheureuse, d’auto-destruction, de lâcheté, de trahison, de proches malades et j’en passe … A titre d’exemple, un moment d’anthologie de la série qui aborde la dépression sous un angle très intime :

Et ces thématiques on va beaucoup en parler parce que comme dans la vraie vie, le chemin de la guérison et de la rédemption n’est pas simple. Le travail sur soi est difficile. BoJack a tendance à faire un pas en avant et trois pas en arrière, à se faire du mal et à blesser à son entourage. Ses principaux compagnons d’aventures sont d’ailleurs tous dignes d’intérêt, prennent de l’ampleur pour se développer bien au-delà du simple rôle de faire-valoir du personnage principal. La série en profite pour aborder à travers eux des questions politiques, sociales et sociétales sous des angles très personnels. Ce dispositif rend a minima les quatre principaux personnages secondaires très forts et attachants à part entière donc je vais vous les présenter rapidement : Diane Nguyen, la biographe humaine de BoJack dans la saison 1, devient son amie et son livre relance la carrière de BoJack. Mais elle prend rapidement de l’épaisseur.

BoJack Horseman

Sa carrière permet d’aborder la question du journalisme dans la société actuelle. Son engagement féministe est aussi un prisme pour dénoncer le sexisme de l’univers d’Hollywoo (oui il n’y pas pas de D, je vous laisse découvrir pourquoi en regardant la série 🙂 ). On suit aussi sa réflexion sur l’absence de désir d’enfant et sur l’avortement, son divorce, sa quête d’identité au Vietnam dans un épisode qui sera centré sur son point de vue, et sa reconstruction difficile en tant que femme indépendante par la suite.   Dans cette même veine, le personnage de Princess Carolyn, une chatte persane rose, et accessoirement l’agent de BoJack, se questionne sur la conjugaison entre une vie professionnelle ambitieuse et l’envie de fonder une famille. Elle nous emmène au cœur des manipulations sordides du monde du cinéma, de l’exploitation des assistants, des rivalités entre agents.

BoJack Horseman

Mais on la suit aussi dans le parcours du combattant pour devenir mère : ses difficultés à trouver un compagnon, sa fausse couche, ses priorités, sa vision de la famille et de la maternité. Cette quête culmine en ce début de saison 6 avec un épisode 2 très beau visuellement où Princess Carolyn se démultiplie à l’infini pour prendre soin de son enfant : une métaphore extrêmement forte de ce que prendre soin d’un nouveau-né représente et de l’épuisement qui peut en découler. Mister Peanutbutter, est un labrador naïf et énergique, rôle principal de la sitcom concurrente de celle Bojack dans les années 90. Il considère BoJack comme son ami qu’il admire, tandis que BoJack le perçoit plutôt comme son rival.

BoJack Horseman

Sa carrière d’animateur télé permet de creuser les coulisses du petit écran. D’autre part, sa personnalité trop joyeuse pour ne pas devenir agaçante, qui n’est pas basée sur l’intellect, en fait un personnage qu’on pourrait taxer de stupide tant il est manipulable. Cette caractéristique est utilisée par la série pour faire passer des messages politiques, par exemple sur l’extraction de pétrole ou de gaz par fracturation hydraulique à travers la campagne politique qu’il mènera ou sur les armes à feu via ses discussions avec Diane notamment. Pour autant, sa bonne humeur, son instinct et sa capacité à voir le positif en toutes circonstances en font un personnage adorable jusque dans ses excès. Enfin vient Todd Chavez, l’ami humain de BoJack, colocataire parasite de notre héros lors de la première saison, puis de Mr Peanutbutter et Diane, puis de Princess Carolyn. Pour moi, ce personnage à la fois loufoque et sage est particulièrement attachant : sous ses airs de fainéant, il possède de tas de compétences surprenantes, d’idées originales et surtout il a toujours le cœur sur la main pour ses amis.

Bojack Horseman

Mais Todd, au début très caractérisé par ses relations avec les autres personnages, va aussi connaître un développement plus introspectif, le menant à s’interroger sur sa sexualité et sa vie sentimentale. La série aborde alors les thématiques de l’acception de soi, des normes imposées par la société et la famille en termes de vie sexuelle et romantique avec de beaux développements en perspective. TLTR, la série met à l’honneur des personnages avec de la profondeur et des défauts bien apparents auxquels nous pouvons nous identifier. Des héros du quotidien qui se débattent avec des problématiques contemporaines et des questionnements personnels auxquels nous ou notre entourage pouvons être confronté. On se sent moins seuls et ça nous faire réfléchir.

Juste un morceau de sucre qui aide la médecine à couler

Attention je vous vois ceux qui sont en train de se lever discrètement parce que « Oulala ça à l’air trop prise de tête cette histoire de cheval alcoolo dépressif et de ses potes en proie avec les pressions complexes du monde moderne. » Tout l’art de BoJack Horseman c’est justement d’aborder avec courage ces thématiques mais toujours en distillant des soupapes de décompression de très bonne facture. L’humour que propose la série est multiple et varié. On sera plutôt du côté obscur avec un BoJack qui manie le sarcasme, l’ironie et le cynisme comme personne. Mais la série ne se cantonne pas à des punchlines, elle offre des gags hilarants comme le personnage de Vincent Adultman, qui est de toute évidence un enfant dans un imperméable trop grand mais que tout le monde, sauf BoJack, prend pour un vrai adulte.

D’autres sont souvent construits autour des personnages de Mr Peanutbutter et Todd qu’aucune idée absurde ou situation rocambolesque n’arrêtent, par exemple quand il s’agit de lancer une idée de business hasardeuse : en voici une des premières ici pour vous donner un avant-goût mais elles continuent à s’améliorer (ou pas hihi) pour notre plus grand plaisir au fil des saisons .

La série est également parsemée de blagues à base d’animaux anthopomorphisés en proie à leurs instincts naturels, parfois accentuées avec du comique de répétition, souvent cachés dans le décor ou évoqués par les accessoires : Mr Peanutbutter ne peut s’empêcher d’aboyer quand la sonnette retentit, Princess Carolyn fait du sport avec un grattoir à chat, un oiseau tente de se suicider en sautant d’un toit en oubliant qu’il avait des ailes, … Enfin, BoJack Horseman regorge de jeux de mots en tous genres qui viennent égayer les dialogues, parfois jusqu’à l’absurde mais c’est ça qu’on aime aussi… En tant qu’adepte de la version originale donc je ne sais pas comment ils sont rendus en version française mais c’est en anglais un véritable délice. C’est cet équilibre entre des personnages très fouillés, des enjeux actuels abordés avec sérieux et ces pépites d’humour variées et savamment distillées qui est une des grandes forces de BoJack Horseman. Il faut quelques épisodes pour que ce subtil dosage soit vraiment au point, donc accrochez-vous un peu pendant les 2-3 premiers mais ensuite promis, vous aurez de l’émotion, matière à réfléchir et à rire à coup sûr.

MocheJack Horseman ?

Donc sur le propos et le ton je vous sens conquis, c’est déjà bien et je note que vous êtes une audience de qualité. Mais je sais que certains d’entre vous tiquent sur l’esthétique « gna gna gna c’est dessiné comme un livre moche pour enfant gna gna gna c’est rigide gna gna gna ». En fait, c’est vrai que le design est assez différent des séries animées dont on a l’habitude, qu’on soit plutôt axé japanime ou plus versé sur les productions occidentales. Comme toujours face à la nouveauté, il faut quelques épisodes pour s’habituer (rassurez-vous ce sont les mêmes épisodes que ceux pendant lesquels la série peaufine son équilibre de dramédie donc tout va bien, vous ferez d’une pierre deux coups). Une fois à l’aise, votre œil sera attiré par une gestion très très sympa de la couleur, des décors foisonnants de détails et d’humour et la richesse de l’expression des visages des personnages, que ce soit dans leurs traits humains ou animaliers.

BoJack Horseman

Ce travail sur le design des personnages et des décors contribue à façonner un univers attachant et riche. Au-delà de ce qui est directement dit, le spectateur peut détecter beaucoup d’éléments visuels pour enrichir sa compréhension de l’histoire et cela contribue complètement au plaisir du visionnage de BoJack Horseman. Pour finir, cette série compte de véritables moments de grâce. D’ailleurs, sur ce point-là, si vous ne me faites pas encore totalement confiance, vous pouvez vous fier à la longue liste de nominations et de récompenses dont peut s’enorgueillir la série. Mais j’aimerais vous faire partager mon enthousiasme pour quelques-uns de ces épisodes éblouissants (en plus de ceux que j’ai cités précédemment) Là je vous entends penser que je m’enflamme ? Peut-être ! Alors allons-nous plonger la tête sous l’eau pour nous rafraîchir les idées : je connais un épisode sublime de BoJack (Saison 3,épisode 4 Fish out of water) qui se déroule dans l’océan. Comme les chevaux (et les humains du reste) ne peuvent pas parler sous l’eau, c’est un épisode sans parole. Autour de cette contrainte les couleurs, la bande-son et la réalisation qui joue sur nos attentes quant à l’apesanteur sont travaillés avec beaucoup de créativité et d’astuces pour nous proposer cette magnifique perle. Un petit extrait de cette beauté ici. Vous l’avez compris, cette série ose et prend des risques pour nous surprendre sur la forme également. Ainsi elle n’a pas peur d’expérimenter des techniques d’animation alternatives comme à l’occasion d’un flash-back des ancêtres de Princess Carolyn dans un épisode déchirant (Saison 4,épisode 9 Ruthie) : un extrait ici. Elle peut aussi s’aventurer dans des processus narratifs dingues comme les 2 monologues hallucinants qui composent l’épisode Free Churro de la saison 5. Juste le début ici.

Cadeau Bonus

Si Will Arnett (Arrested development) est l’âme de BoJack avec sa voix grave et empreinte d’élégance, c’est l’occasion de saluer le casting vocal de rêve de cette série avec notamment Alison Brie (Community, GLOW) qui donne vie à Diane ou Aaron Paul (Breaking Bad) qui incarne Todd Chavez. De nombreux guests de renom se cachent aussi dans leur propre rôle ou dans des personnages secondaires et c’est pour moi un grand plaisir qu’offre cette série en plus d’être intelligemment écrite et très sympa visuellement. Qui n’aime pas jouer à cache-cache avec des célébrités, franchement ?


Je vous ai fait un tour rapide et partial de ce que j’aime dans BoJack Horseman. Cette série me bouleverse régulièrement de façon très intime. C’est l’histoire de personnages qui sont faibles comme moi, comme nous, et qui se débattent avec leurs défauts, leurs problèmes et leur humanité pour essayer de s’épanouir chacun à leur façon. Souvent ça me fait réfléchir, parfois ça m’inspire aussi et toujours ça me donne de la force. En espérant cette série vous apportera autant d’émotions qu’elle m’en fait ressentir : on en reparle quand vous attaquez les premiers épisodes ?


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