Enfin la suite de l’article sur les Disney impopulaires, j’espère qu’il vous plaira !
Autre grand négligé du palmarès des classiques Disney, Oliver & Cie, sorti en 1988, possède pourtant des qualités peu connues du grand public et un aboutissement technique qui a permis l’arrivée des succès des années 90 tels que Le Roi Lion ou Aladdin.
Mais il faut remettre les choses dans leur contexte : après l’échec de Taram, la compagnie vit ses heures les plus sombres, plusieurs transfuges ayant fait leur nid ailleurs, tels Don Bluth, lèvent suffisamment de fonds et de volonté dans d’autres studios pour créer leurs histoires, celles qui furent auparavant refusées par Disney, comme Brisby ou le secret de NIMH, faisant de lui et de son entreprise, Don Bluth Productions, le premier vrai concurrent de la firme de Burbank…
Ce qui a eu pour effet de mettre en péril les succès des longs-métrages de Disney durant la deuxième partie des années 80, Basil Détective Privé subissant la concurrence de Fievel et le Nouveau monde qui a dominé le box-office en terme de recettes, laissant de moins en moins de marge de manœuvre à l’équipe chargée du projet suivant, adapté d’Oliver Twist de Charles Dickens…
Oliver & Cie, pas facile de précéder la renaissance
Mais revenons en 1988 : Oliver & Cie se retrouve en face de Le Petit dinosaure et la vallée des Merveilles de Don Bluth et perd la bataille au box-office malgré ses avancées techniques indéniables : des milliers de photos de Manhattan ont été prises à hauteur d’animal pour respecter les perspectives de la ville tandis que la publicité fait son entrée dans un long-métrage en tant que renfort de réalisme puisqu’Oliver est censé se dérouler à l’époque où il sort sur les écrans.
L’intégralité des véhicules et une partie d’objets spécifiques sont quant a eux modélisés en fil de fer avant d’être habillés de couleurs pour plus de facilité, vu leur grand nombre dans le métrage et leur difficulté à être animés à la main, suivant la méthode utilisée auparavant dans l’impressionnante séquence des rouages de Basil Détective Privé. Le film fut par ailleurs le premier à posséder son département informatique pour gérer la masse de travail que leur conceptualisation requérait.
Mais la technique en elle-même n’est pas à blâmer pour expliquer ce désamour puisque le film voit le retour des chansons qui peuplent le film lors des présentations de certains personnages, à l’image de ce qui avait été fait pour Les Aristochats, dont Oliver semble être une réactualisation, mais il est difficile de faire oublier les vibrations jazzy de ce grand classique, bien que la tentative était de tester si le public était toujours réceptif au côté comédie musicale délaissé depuis le Livre de la Jungle…
Certains ont pointé la ressemblance entre l’héroïne Jenny et Penny (de Bernard et Bianca), ce qui s’explique par une volonté passagère durant le production de faire d’Oliver un spin-off de Bernard et Bianca en lui donnant une héroïne déjà connue du public, idée qui fut abandonnée durant la production, Penny devant simplement Jenny alors que nombreux sont les personnages d’autres classiques à faire un caméo pour les initiés…
On peut gloser sur le manque de confiance envers le film lors de sa conception avec ce genre de tentative saugrenue de le lier à un passé plus glorieux, mais Oliver possède pourtant une galerie de personnages suffisamment forts pour vivre par eux-mêmes, de Dodger le filou au vilain Sykes accompagné de ses deux dobermans, véritable incarnation du mal en costume cravate que l’on est heureux de voir disparaître à la fin de la séquence de poursuite qui clôt le film, elle-même un tour de force puisque de nombreux éléments infographiques et dessinés à la main interagissent de concert pour constituer ce climax.
Alors pourquoi si peu de considérations ? Une partie de la réponse pourrait se trouver dans le choix de l’époque et du lieu fixés par le film : New-York, de nos jours ? Peut-être pas assez exotique pour le public, qui attend un dépaysement plus radical, comme le Paris des Aristochats ou le Londres des 101 Dalmatiens…
Du même coup, le rival créé par Don Bluth au petit chat roux emporte le morceau, puisque Le Petit Dinosaure et la Vallée des Merveilles est riche d’exotisme et mets en scène un bestiaire inédit sur grand écran, évoquant des émotions et un univers plus disneyen que Disney et ce malgré l’absence de chansons, qui est comblée par une musique classique continue composée par James Horner.
De plus, Oliver est resté pendant un certain temps invisible pour le public puisque après l’exploitation en salles, le film ne profita d’une sortie en VHS qu’en 1996, un trou de huit ans qui pèse lourd dans la reconnaissance d’un film par une génération, là où La Petite Sirène a frappé fort sur grand écran l’année suivante.
Atlantide, ou quand personne ne veut explorer le fond des océans
Mais faisons donc un petit bond dans le temps jusqu’en 1997, pour évoquer le destin d’un autre film qui a amorcé la descente de Disney vers l’abandon du l’animation classique, à savoir Atlantide, le 41ième long-métrage de la firme et, étrangement, bien moins apprécié que Taram et le Chaudron Magique, aujourd’hui entouré d’un culte amplement justifié.
Pourtant Atlantide possède quelques similarité avec Taram : un rating PG, le ratio d’image (du 2:35), son absence de passage chanté et une galerie de personnages au premier abord pas très héroïques. Conçu comme un film d’aventure et de science-fiction, Atlantide évoque un monde steampunk à base de sous-marins et d’appareils vus uniquement chez Jules Vernes, rehaussé par un character-design des plus inhabituels puisque Disney s’est adressé à Mike Mignola pour le concevoir, un geste qui a provoqué des sueurs froides chez les artistes du studio.
Il a donc fallu que les équipes s’adaptent au trait anguleux de l’artiste, ce que le public n’a pas spécialement apprécié, plus habitué aux courbes harmonieuses et aux douceurs des traits de Glen Keane. Pire : cette tentative, faite également pour attirer la cible adolescente dans les salles, fut vaine puisque celle-ci trouva les personnages trop « Disney » alors que les familles furent repoussées par ce côté trop « Mignola ».
L’histoire en elle-même est très peu originale, mélange de Stargate et d’Indiana Jones (je ne mets pas les pieds dans la controverse sur Nadia et le secret de l’eau bleue, il y a eu assez de textes là-dessus, merci), suit un commando mené par un scientifique pour retrouver le continent oublié à la suite de sa submersion…
Malgré ça, le rythme du métrage est enlevé et l’on ne s’ennuie pas une minute, divertis par la galerie de personnages proposés, très hétéroclite (ce qui est rare, vous en conviendrez) et leur très bon doublage, mais j’avoue avoir été assez choqué par le nombre de morts qui défile sous les yeux du spectateur (destruction du submersible, des navettes, chute dans les grottes, etc), tout en pensant aux familles qui constituent le public cible, toutefois averties par le Parental Guidance, au moins aux États-Unis.
Le personnage principal lui-même, Milo (Michael J. Fox), est l’archétype du jeune héros maladroit et une copie carbone de Daniel Jackson dans Stargate. L’inhabituel est plus à trouver du côté des personnages secondaires, comme la sarcastique Madame Placard ou Santorini, l’amoureux des fleurs et pourtant artificier… Les méchants ne sont pas en reste avec en premier lieu la froide Helga Sinclair, à la blondeur hitchcockienne, aussi active que cruelle tandis que le commandant Rourke fait office de menace bien plus insidieuse, d’autant plus qu’il est parfaitement humain (on peut en cela l’apparenter au chasseur Clayton de Tarzan).
La vigueur quasi-adolescente du film a donc semble-t-il joué contre lui, explorant pourtant un domaine jusque-là réservé à la télévision ou au film live en jouant la carte de l’aventure et de l’épique dans un cadre peu évoqué dans l’animation américaine, malgré l’indéniable exotisme et le travail qui se dégage de chaque séquence du métrage.
Les passages les plus épiques du film font bien sûr appel à l’informatique et ce de manière très harmonieuse, soulignant l’alliance de plus en plus prégnante entre les deux formats, ce qui fait d’Atlantide un exemple brillant de fusion des deux méthodes qui peuvent se montrer parfaitement complémentaires, comme l’attaque du Léviathan, la confrontation finale entre les gentils et les méchants du film ou encore la séquence des géants lors du climax de fin du métrage, magnifié par un cadrage qui est parfaitement employé pour restituer les profondeurs et les perspectives.
Si le film a rapporté suffisamment pour atteindre l’équilibre, les plans prévus pour sa succession ont tous été avorté (série télé, attraction à Disneyland) pour limiter la casse tandis que les petits films Disney (sortant en début d’année, comme Kuzco l’année précédente ou Lilo & Stitch l’année suivante) laissaient dubitatifs une direction en quête d’économies, vu le peu de publicité et une estimation plus grande du risque qu’ils représentaient au moment de leur sortie.
Voici donc la fin de la deuxième partie de l’article sur les Disney impopulaires, et j’avoue avoir des idées pour un ultime volet, mais je n’ai qu’un seul film. C’est pourquoi je me repose sur vous, les lecteurs, ceux qui aiment l’animation et Disney, pour me conseiller sur un classique qui selon vous, n’aurait pas la réputation qu’il mérite à vos yeux !
P.S : Un lien pour comprendre le système des ratings : http://fr.wikipedia.org/wiki/Motion_Picture_Association_of_America