[O.A.N.I.] Menace sur la Garenne.


Note : J’ai ici délibérément choisi le titre français canadien et non pas le titre français original (La folle Escapade) car il représente selon moi bien mieux l’ambiance globale du film. Vous en jugerez par vous-même après la lecture de cette review.

Le film, sorti en 1978, est une adaptation du roman de Richard Adams : Les Garennes de Watership Down. Le long-métrage animé Menace sur la Garenne a été réalisé par Martin Rosen, aussi connu pour The Plague Dogs, une bouleversante histoire canine sur deux évadés d’un laboratoire d’expérimentations animale.

On entre dans l’histoire par un récit mythologique où l’on voit le dieu Soleil, El-Aharirah, attribuer des rôles à chaque totems d’animaux. Seulement voilà Elios, le lapin noir, a décidé de n’en faire qu’à sa tête et s’est reproduit sans mesure dans tout l’Eden.

El-Aharirah donne à Elios son apparence de lapin

Cette attitude déplaisant à El-Aharirah, il décide de doter les autres animaux de griffes et de crocs pour en faire des prédateurs (chats, chiens, oiseaux de proie) puis pour équilibrer la punition, il donne à Elios de longues pattes et une intelligence supérieure. Selon la légende, Elios devient le premier lapin de Garenne, ce qui conclut ce prologue.

On passe ensuite de nos jours, à l’orée d’un bois où deux lapins, Noisette et Rêveur, pressentent qu’un danger va arriver sur leur terrier. Ils vont alors avertir le Chef et les autres lapins qui refusent de prendre leur avertissement en compte.

Noisette et Rêveur, accompagnés d’un petit groupe, décident donc de traverser bois et champs pour atteindre une colline environnante et fonder un nouveau terrier. Leur quête va s’avérer parsemée d’embûches.

L’univers esthétique de nos héros est travaillé dans un impressionnant style naturaliste, les décors sont peints avec un grand souci du détail et de la nuance dans la végétation.

Les lapins n’en mènent pas large au cours de leur épopée

L’animation des animaux, malgré la caractérisation liée à la narration, reste anatomiquement fidèle à la réalité. Lorsque les lapins de Garennes bougent, on aperçoit par exemple leurs muscles rouler sous leur peau.

Cette ambiance bucolique tranche avec les épreuves que Noisette et Rêveur vont devoir affronter pour réussir leur quête. En effet, au fur et à mesure de l’histoire, on découvre que ce sont les conséquences de la main de l’homme sur l’environnement qui poussent à leur perte les animaux que nos héros croisent.

Le discours écologique est présent sans être moralisateur, on est plus dans l’ordre du constat, comme Miyazaki a pu le faire dans Ponyo. Ce même constat est d’ailleurs sans appel car les dégâts provoqués pervertissent même les autres lapins que croisent notre petit groupe de Garennes, les confrontant à des situations et des extrémités des plus cruelles pour la survie du plus fort.

La Mort se dégage aussi de ce film et à aucun moment le spectateur n’oublie que ces héros aux grandes oreilles ont une vie éphémère et fragile.

Elle est littéralement amenée par des apparitions totémiques stylisées d’Elios, le lapin noir, gambadant dans les collines devant le regard des lapins dont l’issue fatale se rapproche. Ces scènes sont à mon avis bien plus poétiques que la scène de la mort de la mère de Bambi, qui sert plus d’électrochoc dans le film produit par Disney.

La présence de ce spectre et la mythologie ont une place importante pour nos Garennes et leur permet d’avancer et de continuer dans leur quête, sans pour autant être épargnés physiquement. Car ici les corps blessés et mutilés sont exposés sans fausse pudeur. La nature est cruelle, tout est un danger pour eux, il est normal que leurs corps portent les stigmates de leur combat pour la survie.

Les blessures ne sont pas cachées par le design des lapins

Le film possède aussi quelques défauts. En premier lieu, une mouette tout d’abord ennemie qui devient leur alliée, tellement jacassante qu’elle fait passer Orville de Bernard et Bianca pour un oiseau mutique.

Mais c’est surtout le rythme qui souffre d’une baisse en milieu de métrage, nos héros ayant fini par s’installer sur ladite colline de Watership Down et la tâche de mettre au jour de nouveaux enjeux incombe à cette maudite mouette.

Menace sur la Garenne reste une expérience positive car il montre des moments de la vie qui peuvent être très durs et ce par le biais d’un univers artistique exceptionnel.

Sa vision m’a rappelé le débat nous avions eu au Podcast n°3 de la saison 1 sur le Jour des Corneilles, à savoir : faut-il montrer des films d’animations dont la mise en image pourrait choquer les enfants ?

En ce qui me concerne, je persiste et signe : je maintiens ma position sur le fait que l’on peut regarder le Jour des Corneilles, tout comme Menace sur la Garenne, avec ses enfants. Ces films vont bien sûr susciter des questions chez eux, il est important d’y répondre et surtout d’être présent lors de leurs visions pour les accompagner dans l’histoire.

Noisette face au spectre du lapin noir

Je vous encourage donc à voir Menace sur la Garenne, l’édition vidéo française est cependant difficile à trouver malgré une ressortie cinéma fin 2012, hélas rien n’a été fait du côté de Warner Brothers Kids, ce qui rend l’objet collector et à un prix au delà du réel !

Mon but étant de vous faire découvrir des films et non pas de casser votre plan épargne logement, je vous invite à vous tourner vers l’Angleterre où le film est proposé sous son titre original, Watership Down, et à un prix abordable.

Malheureusement, vous ne pourrez pas profiter du doublage français (au demeurant fort honorable) ni de sous-titres, donc à moins que le jeune public soit anglophile, il sera compliqué de tenter une vision avec vos têtes blondes.

A moins d’une diffusion télévisée…



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