Depuis le festival du film d’animation d’Annecy au récent festival d’Ottawa, le court Mauvaises herbes de Claude Cloutier, produit par l’ONF, poursuit sa rencontre avec le public en réel ou en présentiel :
Mauvaises herbes nous entraîne dans un monde surprenant peuplé de plantes carnivores qui changent d’aspect comme un caméléon passe d’une couleur à l’autre. Le réalisateur fait rimer croissance avec concurrence, évolution avec compétition, et met en place un étonnant duel aux allures de western, de guerre froide et de jeu de société.
Claude Cloutier se fait d’abord connaître en tant que bédéiste avec la série La légende des Jean-Guy et Gilles la Jungle contre Méchant-Man. Il signe ensuite plusieurs films d’animation : Le colporteur (1988, en compétition au Festival de Cannes), Overdose (1994), Du big bang à mardi matin (2000), Isabelle au bois dormant (2007, une vingtaine de prix, dont le Génie et le Jutra du meilleur court métrage d’animation), La tranchée (2010), Interférence (2014), Autos Portraits (2015, prix Guy-L.-Coté et Iris du meilleur court métrage d’animation) et désormais Mauvaises herbes (2020). Mauvaises herbes invite le spectateur dans un jeu de métamorphoses tout d’abord végétales, puis animales pour ensuite s’emparer de figures politiques s’entre-dévorant. Claude Cloutier s’amuse avec une esthétique crayonnée évoquant le style de Gustave Doré et une animation traditionnelle tout en fluidité. Il s’est confié à moi sur l’importance de ces métamorphoses dans la substance de ce court-métrage :
« J’ai souvent utilisé la métamorphose dans mes films. Dans Mauvaises Herbes, elle constitue l’élément fondamental de la narration. En tant que dessinateur, un des aspects de l’animation qui m’intéresse le plus est la création des images intermédiaires entre les poses clefs. J’aime beaucoup créer des relations entre des images très différentes les unes des autres, je vois cela comme un défi d’animateur. D’autre part, dans Mauvaises Herbes, la métamorphose symbolise le passage du temps. C’est une mécanique qui permet d’illustrer la croissance végétale en accéléré. » Quand au message politique, le réalisateur préfère garder de la modestie sur l’impact que pourrait avoir Mauvaises herbes sur le public :
« Je ne m’attend pas à de fortes réactions par rapport au message politique ou sociologique de mes films. Il ne faut pas surévaluer l’impact d’un court métrage d’animation. À travers mes films, qui peuvent sembler divertissants, il est quand même important pour moi de toucher à des sujets qui provoquent une réflexion de la part du spectateur. »
D’Isabelle au bois dormant à Autos portraits, ce dernier court fait aussi la part belle à la musicalité animée. Les figures s’enchainent sur un rythme de plus en plus rapide apportant aussi une dimension comique à l’ensemble. Il était donc pertinent d’évoquer le place de la musique au sein de son processus artistique :
« Comme l’univers graphique de Mauvaises Herbes est très simplifié, deux personnages la plupart du temps sur fond blanc, les éléments sonores et la musique ont pris une importance considérable comme instruments de narration. Il s’est avéré extrêmement difficile de trouver un équilibre entre le son, la musique et le vide sonore. La musique est aussi un instrument de travail au cours de la réalisation de mes films. J’ai équipé mon espace de travail d’un bon système de son et mon travail d’animateur me permet d’en écouter toute la journée. » Le travail musical fait partie intégrante du réalisateur, qui m’a exprimé avoir l’envie de travailler sur une grosse pièce expérimentale animée à l’avenir. Mauvaises herbes s’amuse d’une galerie de portraits politico-animaliers sans laisser indifférent de l’échiquier géopolitique mondial. Si vous avez la chance de croiser la route de ce court en festival, laissez vous tenter ! Sa prochaine étape sera au New York City Short Film Festival qui se déroulera en ligne du 15 au 17 octobre. Un grand merci à Nadine Viau pour l’organisation et à Claude Cloutier pour sa disponibilité.