Court métrage – Ossa : naissance, vie et mort d’une marionnette


Ossa est un court-métrage intriguant. Le réalisateur Dario Imbrogno utilise la stop-motion pour animer une marionnette, mais également les éléments qui l’entourent, qui prennent soudain vie, des projecteurs à la caméra. Il montre ainsi une partie des coulisses de la réalisation pour mieux illustrer l’expression « le monde entier est une scène ».

« Le monde entier est une scène. Dans une salle de théâtre, une marionnette prend conscience d’elle-même en dansant. Sa danse, déstructurée dans le temps et dans l’espace, nous montre les mécanismes qui tirent les ficelles. »

Les premières secondes donnent le ton : une musique stressante (signée Enrico Ascoli), deux plans lents qui introduisent le décor avant de glisser vers la marionnette, allongée au sol avec des débris autour de la tête, comme si elle s’était brisé le crâne en tombant des escalier. Puis, nous avons un effet « rembobinage », où sa tête se reconstitue avant que la danseuse ne semble voler dans les airs, recréant le mouvement inverse de celui qui lui a coûté « la vie ». Le tout alors que le décor disparaît. Nous avons maintenant la marionnette, mise à nue, pendante, au milieu d’une table entourée de deux spots lumineux. Le titre s’affiche, « Ossa« .

Cette entrée avec le monde qui s’effondre, à l’envers, m’a donné plus de sensations que beaucoup de films catastrophes à effets spéciaux. C’est beau, c’est fascinant, c’est perturbant. Des sentiments entretenus tout le court-métrage par la déconstruction des notions d’espace-temps et l’incroyable justesse des enchainements de la marionnette. Giancarlo Morieri, en charge de la cinématographie, a réussi à faire d’un ensemble de tiges une vraie danseuse étoile, toute en grâce.

Malheureusement, la danseuse nouvellement née réalise rapidement qu’elle est observée. D’abord par les projecteurs, qui la suivent de leurs « yeux » comme une observe une souris dans sa cage. Puis la caméra, qui semble lui révéler sa vraie nature, celle d’objet sans volonté animé par la main de l’homme. Mains que l’on voit d’ailleurs se saisir d’elle, s’imposer comme partenaire dans un ballet mortel, puis la déshabiller et la ramener, encore, à sa condition de tiges métalliques.

Chacun pourra intérprêter Ossa selon sa propre sensibilité, mais toujours avec ce font selon lequel le monde entier est une scène. Un message qui m’a rappelé le Decorado d’Alberto Vázquez, où une multitude de scénettes montraient que nous sommes tous des acteurs sur la scène de l’univers, mais dans un style plus cynique, moins poétique. À côté, Ossa est une flèche d’émotions pures qui nous traverse et laisse derrière elle un sentiment persistant, que je ne saurais pas tout à fait identifier.

Cette flèche m’a touchée en plein cœur et je suis heureuse qu’Ossa soit disponible en ligne pour que vous puissiez à votre tour le découvrir.



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