WIP – Unicorn Wars


Alberto Vazquez était au festival d’Annecy pour présenter l’avancement de Unicorn Wars, son prochain long métrage actuellement en milieu de production. Accompagné des producteurs Chelo Loureiro d’Abano Producions et Nicolas Schmerkin d’Autour de Minuit et aussi de Fiona Cohen, superviseure du projet. Tout en présentant les contours de l’univers de Unicorn Wars, le point de vue de l’équipe a permis de mettre en valeur le défi humain que relève actuellement la cinquantaine de personnes qui travaille sur le film entre la France et l’Espagne.

Les oursons et les licornes sont en guerre depuis toujours. Le soldat Célestin convoite le sang des licornes, car le boire rend éternellement beau. Son frère Bouboule est obsédé par la nourriture et ne cherche qu’à être aimé par son frère et ses camarades de régiment. Une unité d’oursons peu préparée quitte le camp pour une mission dans la Forêt Magique, qui déclenchera la terrible bataille finale.

https://vimeo.com/260019986

Unicorn Wars = Apocalypse Now + Bambi + la Bible

Loin des petits poneys et des bisounours qu’on pourrait imaginer de prime abord à la lecture du titre, Alberto Vazquez décrit son film ainsi : « un film dur, violent et pas vraiment commercial, mais c’est le film que je veux faire. »

L’histoire se focalise sur la guerre fratricide entre 2 oursons, Célestin (mignon, confiant, ambitieux, un peu cruel) et Bouboule (moche, mal dans sa peau, timide, maladroit), sur fonds de guerre ancestrale entre les ours et les licornes qui vivent dans la Forêt magique. Le contraste entre ces frères ennemis à l’apparence et au tempérament contraires fait écho au contraste entre leur esthétique cartoon et la violence dont les oursons font preuve dans le film.

Unicorn Wars

L’attitude guerrière des ours est elle-même en opposition avec l’équilibre qu’assure les licornes dans la Forêt magique. En effet, ces créatures magiques prennent soin de la forêt grâce à leurs pouvoirs. Animées en 3D mais intégrées avec une esthétique 2D, les licornes ont un design très différents de celui des ours, presque totalement noires mais illuminées avec une texture qui imite la gouache. Elles évoluent avec grâce et fluidité, auréolées d’une sombre aura de mystère, bien loin des stéréotypes en vogue actuellement, comme le confiait Alberto Vazquez dans une interview à Muriel et Coralie en 2018. La licorne que nous allons suivre se nomme Maria, une jeune licorne à la recherche sa mère portée disparue. Elle apprend à vivre seule dans la forêt et peut communiquer avec les animaux qui l’entourent.

Unicorn Wars


Ours et licornes devront chacun résoudre leurs propres problématiques avant l’affrontement final. Ces oppositions structurent le film, construit autour de grandes dualités : la Nature – la Culture, le Féminin – le Masculin, le Bien – le Mal. Ces contrastes se retrouvent dans les inspirations citées par Alberto Vazquez : Apocalypse Now, Bambi, la Bible… Avec cette fable anti-guerre, teintée d’humour, Alberto Vazquez souhaite aborder des problématiques contemporaines, transposées dans un univers fantastique via des métaphores.

Ce dispositif rappelle celui de Psiconautas (lauréat du Goya du meilleur film d’animation en 2017), et ce n’est pas le seul point commun ! Comme Psiconautas, Unicorn Wars est issu d’un comics d’Alberto Vazquez et avait d’abord fait l’objet d’un court métrage (Unicorn Blood, animé au crayon et à l’aquarelle en 2013). Le long métrage semble être l’occasion pour le réalisateur espagnol de continuer à explorer le thème de la famille en jouant avec la grammaire des films de guerre et les concepts religieux. Pour cela, il s’exprime avec le respect de ces racines de dessinateur en proposant un univers graphique fort mêlant les codes du cartoon et les symboles dans un univers naturaliste empli de mystères.

Pour transmettre cette vision très personnelle à toute l’équipe du film, en période de pandémie, il a fallu faire preuve d’ingéniosité et de créativité.

Un pipeline clair

Pour développer le potentiel de ce projet en long métrage, Alberto Vazquez se lance dans l’aventure avec l’équipe solide qui l’accompagne depuis le court métrage Decorado en 2016. Et il en faut du monde pour animer un projet aussi ambitieux à la fois techniquement et narrativement.

Avec une dizaine d’ours dans le groupe principal, chacun avec son lot d’accessoires de bon petit soldat, avec une quarantaine de personnages secondaires et environ 30 animaux différents, avec le challenge de l’animation des licornes (parfois 20 à 50 licornes à l’écran simultanément) on mesure le défi dans lequel l’équipe est actuellement engagé.

Unicorn Wars

Pour mener à bien ce projet ambitieux, une cinquantaine de personnes éclatée sur 2 sites en France et 2 sites en Espagne en raison de la coproduction et notamment de la pandémie de covid. L’Espagne se concentre sur l’animation des scènes en 2D qui sont majoritaires. En France, ce sont les scènes en 3D ou mixtes : la 3D est réalisée à Paris et la 2D à Angoulême.

Travailler dans des villes différentes, en parlant des langues différentes, avec des méthodes et des outils différents a nécessité de créer un pipeline inédit, en s’appuyant sur de nouveaux outils de suivi de la production en ligne. Chaque étape de chaque scène est disponible dans l’outil, de l’ébauche à l’animation finale. Les différents membres injectent leur contribution qui peut être validée puis facilement récupérée au fil de l’eau par l’équipe suivante.
La création de ce système ingénieux démontre la motivation et l’enthousiasme de l’équipe pour ce challenge.

Au-delà de la quantité de personnages et de détails à animer, l’inspiration artistique de Vazquez déploie une esthétique vaste qui reflète les contrastes évoqués précédemment. Il puise ses références aussi bien dans la composition des enluminures médiévales, que dans la pop culture avec Les Bisounours ou Winnie l’ourson, mais aussi auprès de monuments de l’histoire de l’animation comme les silhouettes de Lotte Reiniger ou les décors de Mary Blair ou encore dans les ambiances littéraires de Poe ou Lovecraft.

Ce mélange des genres pourrait faire peur sans la vision chargée de sens d’Alberto Vazquez. Enfin, son attachement à garder un rendu « fait main » apporte une identité visuelle forte, comme une ligne directrice parmi les différentes univers artistiques proposés .A son sens  : « J’aime qu’il y ait de la variété dans la direction artistique du film, de la richesse graphique, mais sans perdre la cohérence de l’ensemble »

Unicorn Wars

La musique, la gestion des couleurs, l’évolution des décors, les moments plus cartoons qui tranchent avec l’animation plutôt naturaliste deviennent autant d’outils qui se mettent au service d’un message, d’une métaphore, de l’émoi d’un personnage sous la vision d’Alberto Vazquez pour qui chaque détail semble compter.

Les premières images sont éloquentes : s’en dégagent un charme à la fois familier et détonnant, une richesse visuelle foisonnante et dépaysante, des personnages intrigants avec de la profondeur. En construisant son histoire sur des contrastes forts, la narration promet d’être riche en émotions, en réflexions et en surprises.

L’équipe espère que le film sera prêt en 2022. Pour ma part, j’ai été touchée non seulement par les qualités esthétiques des images présentées et l’originalité de l’univers de Unicorn Wars mais aussi par le souffle de cette aventure humaine qui malgré la pandémie, malgré les préjugés de certains financeurs, se bat pour proposer un film d’animation adulte ambitieux et avant-gardiste. Je suis impatiente de découvrir le fruit des efforts de cette équipe pleine d’énergie et attachante.

Unicorn Wars est prévu pour une sortie en 2022 et sera distribué en France par UFO Distribution.


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