Parmi les projets en développement du dernier Cartoon Movie, Allah n’est pas obligé, réalisé par Zaven Najjar et produit par Special Touch Studios, a suscité mon intérêt. Autant par son traitement d’une période de l’histoire africaine ici méconnue à cause d’un ethnocentrisme européen qui nous gomme ici ces réalités vécues, un tort qui peut être résolu cette transcription en animation du roman d’Ahmadou Kourouma, Prix Renaudot et Prix Goncourt des lycéens en 2000.
Birahima a une douzaine d’années et vit à Togobala, en Côte d’Ivoire. C’est un enfant des rues comme il le dit lui-même, « un enfant de la rue sans peur ni reproche ». Après la mort de sa mère, on lui conseille d’aller retrouver sa tante au Liberia. Personne ne se dévoue pour l’accompagner mis à part Yacouba « le bandit boiteux, le multiplicateur des billets de banque, le féticheur musulman ». Les voilà donc sur la route du Liberia. Très vite, ils se font enrôler dans différentes factions, où Birahima devient enfant soldat avec tout ce que cela entraîne : drogue, meurtres, viols… Yacouba arrive facilement à se faire une place de féticheur auprès des bandits, très croyants. D’aventures en aventures, Birahima et Yacouba vont traverser la Guinée, la Sierra Leone, le Liberia et enfin la Côte d’Ivoire.
Allah n’est pas obligé est un projet en développement adapté du roman d’Ahmadou Kourouma. L’écrivain ivoirien porte un regard critique sur les puissants et la décolonisation avec des livres comme Les Soleils des Indépendances et En attendant le vote des bêtes sauvages. Il sera intéressant de voir comment le regard de l’auteur sera transposé par le biais de l’animation.
Sebastien Onomo, producteur chez Special Touch Studios, revient sur sa rencontre avec Zaven Najjar et sur la difficulté de monter un projet aussi fort :
“J’ai lu le roman d’Ahmadou Kourouma lorsque j’étais étudiant et ce livre m’a beaucoup marqué car l’auteur laisse passer par ses mots des images très fortes. J’ai ensuite rencontré Zaven sur un autre projet et ça m’a semblé évident de par son univers qu’il en serait le réalisateur. Monter un projet avec un propos aussi nécessaire est toujours compliqué car il faut trouver des collaborateurs pour rendre cela possible.”
L’adaptation d’Allah n’est pas obligé est portée à l’écriture par Karine Winzcura (Demain le vent) et Zaven Najjar que l’on retrouve aussi à la réalisation. Dans la bande-annonce que l’on a pu découvrir, on retrouve le style très franc composé à la fois de formes géométriques nettes et de couleurs vives propre aux autres créations de l’artiste. Cet univers peut sembler au premier abord naïf mais on peut aussi y voir l’intensité de la guerre civile par le point de vue de l’enfant soldat.
Zaven Najjar, auparavant entre autre réalisateur du court métrage animé Un obus partout revient sur le traitement du point du vue du jeune protagoniste et de la réalité historique de l’intrigue :
“Le jeune Birahima va apporter un regard à la fois corrosif et enfantin sur le monde mais il va aussi se lier d’amitié avec Yacouba, le féticheur. Ensemble, ils vont traverser les différentes réalités de la guerre et par exemple, se retrouver dans une mine de diamant à ciel ouvert. Il était important pour nous de garder le projet ancré dans la réalité historique et politique de cette guerre civile.”
Il décrit ensuite Birahima comme un héros à la fois déterminé et rêveur, porté par l’espoir d’une vie meilleure, ce qui lui a évoqué une quête universelle propre à chacun d’entre nous
Le long métrage vise une audience ado-adulte avec un budget de 4.5 millions d’euros. Viser une audience plus mature permet d’éviter les écueils d’adaptation grand public que l’on a pu retrouver en partie dans Parvana, une enfance en Afghanistan, bien que celui-ci était au départ un roman jeunesse. La livraison du film est prévue pour 2021. Pour aller plus loin, je vous invite à lire Allah n’est pas obligé d’Ahmadou Kourouma que vous trouverez sans problème dans toutes les bonnes librairies.