Critique – Ainbo, princesse d’Amazonie


Ce mercredi 14 juillet sort Ainbo, princesse d’Amazonie (“Spirit of the Amazon” en anglais), le film d’animation indépendant de Richard Claus et Jose Zelada, notamment produit par Tunche Films et Cool Beans. Une histoire qui semblait de prime abord prometteuse mais manque l’opportunité de se saisir pleinement de la thématique écologique annoncée.

Ainbo, princesse d'Amazonie

Née au cœur de la forêt amazonienne, Ainbo n’a que 13 ans mais rêverait d’être la meilleure chasseuse de tout Candamo. Alors que sa terre natale est menacée par la déforestation et l’avidité du chercheur d’or Will Dewitt, Ainbo est investie par son peuple d’une quête spirituelle et magique pour sauver son territoire.

La douche n’est pas glacée, mais elle est quand même tiède. Ainbo, qui se présente comme une histoire écologique pour enfants autour de l’Amazonie, promettait un message fort et engagé mais il prend malheureusement une autre direction avec un scénario instable qui investit trop de directions différentes.

Ainbo, princesse d'Amazonie

La magie a parfois du bon, mais elle est sans doute de trop dès lors qu’elle est utilisée pour justifier des agissements répréhensibles. Encore plus s’il s’agit d’un sujet aussi important que l’écologie. En effet, dans le film, les dégâts environnementaux qui surviennent à Candamo prennent la forme d’une malédiction incarnée par Yacuruna, l’esprit du mal. Ainsi, en justifiant les actes de destruction de l’antagoniste Will Dewitt en montrant le personnage possedé par le Yacuruna, l’histoire se dérobe à un parti pris pertinent et manque l’opportunité de traiter frontalement un véritable sujet de fond. Sans compter que l’apparition du Yacuruna dans l’histoire survient plutôt inopinément. Attention d’ailleurs à ces scènes de possession où le personnage du méchant se « transforme » en esprit du mal, qui peuvent être assez impressionnantes et effrayantes pour les plus jeunes.

Ainbo n’est finalement pas le film militant que l’on attendait. Il contourne (ou évite ?) plutôt la dénonciation franche pour servir une chronique familiale où l’héroïne orpheline, dans sa quête pour empêcher le mal de nuire, retrouve la trace de ses origines, grâce à la magie. Le méchant n’était pas celui qu’on avait imaginé, et la faute entière revient à l’esprit du mal qui lui a fait faire des bêtises. Comme Bigfoot Family avant lui, Ainbo ne saisit pas pleinement l’opportunité de proposer un discours clairement engagé et militant. Le film louvoie sans trop se positionner et se perd dans des intrigues secondaires peu efficaces. L’équipe était-elle frileuse à l’idée de s’emparer d’une véritable problématique écologique ? Sans avoir besoin d’employer des mots ou des schémas narratifs complexes, le problème du capitalisme aurait très bien pu être abordé de manière simple pour les enfants, quitte à opter pour un antagoniste foncièrement manichéen. Il s’agit donc là d’un choix artistique qui peut, certes, être argumenté, mais qui reste fort décevant.

Tout n’est pas à ce point décevant dans l’histoire malgré tout et on peut apprécier, en dépit d’un scénario fragile, les sensibles représentations de l’Amazonie et de son peuple ainsi que les figures mythiques et spirituelles de la tortue géante et du paresseux, qui apportent quelque peu d’épaisseur à l’ensemble et enrichissent le portrait culturel amazonien et péruvien. Par ailleurs, l’animation, supervisée par Sem Assink (qui travaille surtout pour le jeu vidéo) et réalisée au Pérou et aux Pays-Bas, s’en sort plutôt bien, ainsi que les décors bien travaillés et les ambiances lumineuses donnant à voir une Amazonie à la fois réaliste et magique. Seule l’animatique des visages manque tout de même de fluidité.

Pour conclure, on regrette que le film ne remplisse pas la promesse qu’il laissait entrevoir, mais il n’est pas exclu pour autant de passer un moment sympathique devant les aventures d’Ainbo, en attendant qu’un futur film d’animation prenne vraiment en main et avec ambition un sujet écologique et environnemental.



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