Après Les Enfants de la Mer et La chance sourit à Madame Nikuko, ChaO réalisé par Yasuhiro Aoki et produit par le prestigieux Studio 4°C faisait partie de nos principales attentes du dernier festival d’Annecy, où il était en compétition dans la sélection « Longs métrages L’officielle ». Bien que reparti avec le Prix du Jury, que puis-je réellement dire sur le film ?
Dans un monde où humains et sirènes coexistent, Stephan, un employé de bureau ordinaire fait la rencontre de Chao, une princesse du royaume des sirènes. Qu’adviendra-t-il de leur improbable histoire d’amour ?
L’attrait principal de ChaO se situe dans son exploration graphique de la ville de Shanghai avec ses couleurs chatoyantes et son aspect cosmopolite, signé Hiroshi Takiguchi. On est facilement embarqué dans les entrailles de la cité où les quartiers se chevauchent avec une diversité sociale rafraîchissante. Du roi des mers avec son visage transformiste au CEO de l’entreprise au physique sortant d’un jeu télévisé en passant par le dynamisme élancé de MyBae, le character design anguleux des personnages créé par Hirokazu Kojima est bienvenu dans le paysage actuel de l’animation japonaise.

La mise en scène de l’action fait elle-aussi la part belle à cet ensemble original et vibrant. L’intrigue nous embarque vite dans des courses poursuites entre les médias et le couple naissant. On se laisse porter par les moments aquatiques riches en poésie. Cet univers d’anticipation s’inscrit dans une volonté esthétique à se tourner vers les multiples formes de l’eau, déjà exploré brillamment dans Les Enfants de la Mer. Seulement, toute cette complexité et ce travail artistique ne suffisent pas à faire oublier les grandes lacunes narratives de ChaO.
Porté par un conte fédérateur pour les sirènes et les humains, le long métrage n’arrive pas à se départir des clichés qu’il souhaite combattre. La princesse ChaO se présente sous sa forme aquatique, toute en rondeur et à écailles, puis dans sa pleine confiance avec les apparats et le physique d’une princesse bien plus conventionnelle.

Et le problème réside dès l’établissement de ce constat car on a la sensation pendant toute la durée du film que sa charge principale est de rester sexy en accomplissant toutes les tâches vues socialement comme celle d’une bonne épouse. On a l’impression d’être revenu à une époque qu’on aimerait oublier. Ironie ultime : ChaO sous sa forme de poisson est exploitée pour les fins marketing du film.
D’un autre côté, Stephan n’est pas le plus capable dans son travail, ni le plus attractif humainement et en tant que spectatrice, ma patience a des limites. Il est difficile de s’accrocher à lui face à une ChaO qui essaie de satisfaire les besoins de cet idiot (oui, il mérite cette désignation). Enfin, la prise de conscience du bien aimé ruine les espoirs de maturité du personnage et du couple en se reposant uniquement sur un trauma venu de l’enfance.

Cette lacune est d’autant plus regrettable que le couple en devenir est entouré de personnages mettant en avant une approche plus moderne et pertinente du monde où ils évoluent. On pense, entre autres, à la romance entre le tuteur de Stephan, Robelt, et MyBae. Leur relation s’inscrit dans la durée du métrage avec les difficultés normales liées à la construction d’un couple.
Je nourrissais de grandes attentes vis-à-vis de ChaO et je suis vite redescendue à la découverte du film. Le film souffre du syndrome Deadpool qui est de se cacher derrière de grands effets et déclarations pour au final rentrer dans le rang d’une intrigue beaucoup trop basique. Heureusement j’ai eu la chance de le voir dans le cadre du festival d’Annecy, car j’aurais mal vécu de le découvrir à mes frais, je me serais sentie flouée vu le fond du film. Un coup dans l’eau pour le Studio 4°C, hélas.
Eurozoom distribuera ChaO à l’automne 2025.