Critique – Josée, le tigre et les poissons


Produit par le studio Bones, distribué par Eurozoom et soutenu par l’Afcae, Josée, le tigre et les poissons est le premier long-métrage de Kotaro Tamura (auparavant assistant réalisateur sur Les Enfants Loups, puis réalisateur de la série TV Noragami). Pour celles et ceux qui s’intéressent de près à la littérature japonaise, vous aurez peut-être reconnu le titre d’une nouvelle de Seiko Tanabe, grande figure de la littérature japonaise d’après-guerre et notamment lauréate du prestigieux prix Akutagawa (l’équivalent de notre Goncourt hexagonal). La nouvelle a été traduite en 2017 en français et figure dans un recueil publié par les éditions d’Est en Ouest.

Le film de Tamura n’est rien de moins que la troisième adaptation de cette nouvelle éponyme, qui avait déjà été adaptée en films live, en 2003 par Isshin Inudou et en 2020 par Kim-Jong Kwan.

Kumiko, qui se fait appeler Josée en référence à une héroïne de François Sagan, est paraplégique depuis l’enfance. Elle vit avec sa grand-mère, qui la surprotège du monde extérieur, et passe son temps à dessiner le monde marin qui la fascine. Tsuneo, brillant étudiant en biologie marine, enchaîne les petits boulots pour financer la suite de ses études : il aimerait partir faire de la recherche au Mexique. Un soir, il sauve Josée d’une horrible chute dans la rue. Suite à cette rencontre accidentelle, la grand-mère de Josée engage Tsuneo pour s’occuper de sa petite-fille. Josée se révèle autoritaire et têtue, mais Tsuneo est d’une grande patience. Ils apprennent à se connaître et même à s’apprécier, partageant leur fascination pour l’océan.

À travers la rencontre émouvante de ces personnages jeunes adultes, Kotaro Tamura vient enrichir l’offre d’animés de qualité à l’attention d’une génération de spectateurs de 20-30 ans qui peut se retrouver dans les dilemmes et les questionnements de Josée et Tsuneo qui tentent d’embrasser leur avenir. Les deux héros ont chacun une expérience très différente de la vie et viennent s’enrichir l’un l’autre. Josée, pour qui tout est, selon ses propres mots, « hors de portée » en raison de son handicap, est très peu sociabilisée et ne sort presque jamais de chez elle. Ainsi Tsuneo représente pour elle un intermédiaire vers le monde extérieur, une passerelle pour découvrir leur ville d’Osaka (ils se rendent notamment à l’aquarium Kaiyûkan et à la fameuse grande roue). Quant à Tsuneo, qui ne s’arrête jamais de travailler pour payer ses futures études, il découvre le plaisir d’accorder un peu de temps libre à quelqu’un d’autre et d’assurer son bonheur. Par la suite, il devra à son tour faire face à plusieurs obstacles qui mettront sa volonté de fer à l’épreuve, notamment le choix de partir ou non à l’étranger maintenant qu’il s’est attaché à Josée et qu’ils ont besoin l’un de l’autre.

Tous deux sortent évidemment grandis de ces expériences vécues ensemble et des événements plus ou moins difficiles qui surviennent au cours de l’année. Ils parviennent à vaincre leurs peurs, prendre confiance en eux, ne jamais baisser les bras et suivre la voie qui leur fait envie. Un très beau message d’émancipation, inspirant à tous les âges. Pour ce qui est de l’animation, le style graphique choisi reste classique mais c’est au niveau du mouvement et des cadrages que le film apporte de la fraîcheur et un peu de nouveauté : jeux de zoom, caméra dynamique, bords de l’écran floutés pour positionner le spectateur dans le point de vue du personnage… Et mention spéciale à l’animation du fauteuil roulant de Josée qui n’était de toute évidence pas une mince affaire !

On apprécie également de temps à autre le dialogue symbolique entre les personnages humains et les éléments naturels. Ainsi le vent, la pluie, les fleurs ou les feuilles viennent souligner des scènes ou des dialogues, de cette manière contemplative très japonaise que l’on connaît bien et apprécie. D’ailleurs le film lie étroitement l’histoire au passage d’une saison à l’autre, ainsi qu’aux lumières et émotions créées et suscitées par ces différentes périodes de l’année. Le scénario de Sayaka Kuwamura ne recèle pas de grande surprise narrative mais parvient à être très efficace dans la sensibilité avec laquelle il raconte l’expérience intime et introspective des personnages, tout cela sans aucune voix off. Ce très joli film délivre donc avec brio une leçon de résilience, de confiance et d’espoir, et d’amour aussi. En somme, une histoire intemporelle qui se prêtait parfaitement à une adaptation animée.

Retrouvez Josée, le tigre et les poissons dès aujourd’hui dans les cinémas. Le film est par ailleurs en lice pour la compétition officielle du Festival d’Annecy 2021 qui se tient cette semaine.



Dernières publications

  • Mathieu Kassovitz adapte « La bête est morte ! » au cinéma

    Mathieu Kassovitz adapte « La bête est morte ! » au cinéma

    L’acteur et cinéaste Mathieu Kassovitz (La Haine, Gothika) revient à la réalisation pour la première fois depuis plus de dix ans afin de s’attaquer à un projet de longue date : un film d’animation adapté de La bête est morte ! Cela fait 20 ans que le réalisateur planche sur cette adaptation avec la scénariste…

  • Cartoon Movie 2024 – Les pitchs en concept qui ont retenu mon attention

    Cartoon Movie 2024 – Les pitchs en concept qui ont retenu mon attention

    Le Cartoon Movie propose deux sessions matinales de pitchs en concept où les créateurs.ices présentent leurs idées de long métrages à leurs premières étapes de développement. C’est l’occasion d’observer de nouvelles propositions dans le cadre de l’animation européenne : Rose et les marmottes réalisé par Alain Ughetto (Les Films du Tambour de soir/Graffiti Films/WeJustKids/Occidental Filmes)…

  • Infos et bande-annonce pour le nouveau film de Naoko Yamada !

    Infos et bande-annonce pour le nouveau film de Naoko Yamada !

    Après le très beau Garden of remembrance et Heike story, Naoko Yamada avait annoncé lors en 2022 lors du Festival international du film d’animation d’Annecy qu’elle travaillait sur un nouveau long métrage avec le studio Science Saru. On en sait désormais un peu plus puisque Kimi no Iro (que l’on peut traduire par Your colors)…