Critique – Les Démons d’argile


Passé par plusieurs éditions de Cartoon Movie, un changement de titre puis le festival du film d’animation d’Annecy cette année, Les Démons d’argile, réalisé par Nuno Beato, arrive au cinéma le 21 septembre grâce à Cinéma Public Films :

Rosa, working girl studieuse, est l’élément prometteur de son entreprise. Pourtant, aujourd’hui, Rosa détruit son ordinateur devant tous ses collègues et quitte définitivement la ville. Rosa vient de perdre sa seule famille, son grand-père Marcelino, qu’elle n’avait pourtant plus vu depuis longtemps.

Les Démons d’argile nous plonge dans une histoire aux atours de téléfilm de Noël, où l’ambitieuse Rosa va devoir se confronter au passé et à elle-même au fin fond de la campagne portugaise. Ce genre se retrouve malicieusement subverti dans la construction de son héroïne et l’évolution de ses relations. Rosa, interprétée avec vivacité par Aloïse Sauvage, se révèle aussi entière dans son travail que dans sa colère qui la traverse régulièrement dans l’épreuve du deuil de son grand-père, sans qu’elle ne puisse réellement l’expliquer. Il est bienvenu d’avoir une protagoniste avec ses aspects sombres assumés au grand jour.

Les relations de Rosa s’inscrivent dans ce retour aux sources et sa recherche d’elle-même. Les hommes gravitent autour d’elle sans se vautrer dans le romantisme niais, et elle trouve un échange authentique dans sa rencontre avec sa voisine Laura et son fils Chico. Ces derniers deviennent un soutien solide au fur et à mesure que Rosa cherche et découvre les secrets de son grand-père, matérialisés par des figures d’argiles qui peuplent la maison du défunt.

La figure de Marcelino et de ses fantômes se découvrent étape par étape avec les découvertes autour du village où les rumeurs vont bon train. Pierre Richard s’amuse par ailleurs dans ce rôle à contre-emploi, où sa voix posée et douce contraste avec ce qui est découvert du personnage.

Les totems, inspirés des « Caretos », statues traditionnelles portugaises à l’origines utilisées lors de rituels religieux celtique préhistorique, deviennent des extensions de la personnalité de l’ancien afin de révéler ses véritables sentiments à l’égard de sa famille et de la communauté de son village. Et son tempérament est plus salé que la Mer morte, c’est le moins que l’on puisse dire, et de quoi expliquer les traumas générationnels, tout en évoquant L’Eau des collines, diptyque romanesque de Marcel Pagnol.

Le long-métrage mélange les techniques d’animation : depuis de l’animation 3D à de la stop motion. Chaque technique correspond à une ambiance, ainsi la ville et le travail effréné de l’héroïne se dessine en animation 3D aux couleurs pastels produite par le studio Tu Nous Za Pas Vus , tandis que la campagne se revêt de la stop motion argileuse issue du studio portugais Sardinha em Lata.

Ce choix esthétique apporte naturel et sensibilité au déroulé de l’histoire, tout en s’inscrivant dans l’impact fantastique des différents totems qui représentent les péchés du grand-père. Ce changement de médium agit tel un mille-feuille émotionnel que traverse Rosa confrontée au deuil de Marcelino puis sa redécouverte, en résultant une image unidimensionnelle qui s’efface au fur et à mesure du métrage.

La bande originale, composée par Gaiteiros de Lisboa, Carlos Guerreiro et Manuel Riveiro, dénote par son utilisation de chants traditionnels portugais. Elle est puissante et marquante mais aussi équilibrée, ce qui permet d’apprécier le parcours intérieur de Rosa.

Les Démons d’argile se révèle être un long métrage profond qui laisse la place nécessaire à son héroïne de s’exprimer sans jamais perdre son naturel et son impulsivité. Si vous souhaitez soutenir un film ambitieux par son sujet et ses techniques, Les Démons d’argile s’inscrira parfaitement dans votre agenda de rentrée.


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