Critique – Petit Vampire


En compétition au Festival International du Film d’animation d’Annecy, où le film n’avait été présenté que pour le jury tandis que les accrédités avaient pu profiter d’extraits et d’un making of très complet du film, Petit Vampire sort cette semaine dans les salles, directement avant Halloween et complétant une offre pléthorique de long-métrages d’animation, comme c’est le cas chaque mois d’octobre depuis plus de six ans.

Petit Vampire vit dans une maison hantée avec une joyeuse bande de monstres, mais il s’ennuie terriblement… Cela fait maintenant 300 ans qu’il a 10 ans, alors les bateaux de pirates et le cinéclub, ça fait bien longtemps que ça ne l’amuse plus. Son rêve ? Aller à l’école pour se faire des copains. Mais ses parents ne l’entendent pas de cette oreille, le monde extérieur est bien trop dangereux. Accompagné par Fantomate, son fidèle bouledogue, Petit Vampire s’échappe du manoir en cachette, déterminé à rencontrer d’autres enfants. Très vite, il se lie d’amitié avec Michel, un petit garçon aussi malin qu’attachant. Mais leur amitié naissante va attirer l’attention du terrifiant Gibbous, un vieil ennemi qui était sur les traces de Petit Vampire et sa famille depuis des années…

Après Le Chat du rabbin, le deuxième long-métrage d’animation de Joann Sfar se dirige vers le jeune public et propose une nouvelle version des aventures du héros créé par le dessinateur en 1999. Accompagné de Sandrina Jardel pour l’écriture du scénario, Petit Vampire propose une relecture rapide de péripéties déjà connues dans les pages de la bande dessinée, et condense en 82 minutes un nombre insensé de fils narratifs, et ce tambour battant.

Les beaux décors de Petit Vampire

Après un prologue narrant les origines de Petit Vampire, de Pandora mais aussi du Gibbous, leur futur ennemi séculaire, puis un générique très drôle qui enjambe les trois cent ans d’histoire séparant ce dernier de Michel, on est déjà bombardé de ce qui fait l’univers de Sfar : amour des monstres, cadre dans le sud de la France, une passion du cinéma de genre, entre les films de Roger Corman, les Universal Monsters et les comédies de Terrence Hill et Bud Spencer (directement évoqués dans la bagarre entre Michel et Godefroy, son rival à l’école) mais aussi du gothique et des anciens cartoons, ainsi qu’un univers d’enfance passant par les jeux de société, des figurines à la nourriture de cette époque, ici pastichés sous nombres de pseudonymes : Monopoilu, Nestock, Nulla… Cette émulsion d’esthétiques adaptées à l’image par le collaborateur de longue date Antoine Delesvaux prend vie sous le trait des amis de Michel, depuis le tordant Fantomate jusqu’au duo de bourrins que sont Marguerite et Claude. Véritable ensemble cacophonique, cette bande d’hurluberlus constituent l’univers de Petit Vampire, qui va s’en échapper pour rencontrer un enfant de son âge, Michel, entrainant dans ses multiples fugues les espions du Gibbous et précipitant un affrontement retardé depuis bien trop longtemps, l’intrigue serpentant à loisirs entre les personnages, les différents niveaux d’enjeux et les confrontations avec un nerf assez inédit pour une production française.

Petit Vampire et sa famille

Ce n’est donc pas une surprise de découvrir qu’au sein des films de référence pour Sfar l’on découvre Les Goonies, tout aussi connu pour son verbiage incessant et son histoire débarrassée de morceau de gras, ce qui fait hélas défaut à Petit Vampire, chargé ici de raconter un peu plus qu’une aventure entre enfants. Car c’est l’asphyxie qui menace la narration une fois la rencontre actée entre Michel et notre héros : tout s’enchaine très vite, et le film fait l’erreur de réexprimer plusieurs certaines idées ou postulat u lieu d’enchainer et de creuser certains personnages, dont la finalité lors du climax est sujet à questionnements, comme certaines réactions de Pandora ou encore le destin de la figure de proue. De même, la rédemption du Gibbous arrive de manière bien abrupte et laisse planer un sentiment de trop peu quant au binôme formé pour le sortir de l’histoire, surtout après plusieurs éléments de dialogues et sous-thématiques sur le consentement, mais aussi un échange très intéressant sur le fait que Pandora soit tombée amoureuse de son sauveteur et un autre sur la nature même du comportement de cet antagoniste, ou encore la nature du deuil de Michel et son statut d’orphelin. D’autres stigmates font leur apparition dans le même laps de temps, comme des dialogues très vites déclamés, ou encore une bataille assez constante entre ces dernier, les effets sonores et la très belle musique originale composée par Olivier Daviaud. Couplés à ce rythme trépidant, c’est un équilibre précaire qui menace de s’effondrer à chaque séquence, mais aussi la compréhension générale de l’action qui est affectée : la petite fille située juste derrière moi lors de la séance posait de plus en plus de questions à sa maman, au point où, au milieu du métrage, s’exclama : « Michel, c’est le nom du garçon ? »

Michel en classe - Petit Vampire

Clairement dirigé vers un public familial, Petit Vampire possède les défauts de ses qualités : un rythme effréné absolument divertissant, mais les moins de dix ans auront toutes les peines du monde à raccrocher les wagons tant tout va très vite, tandis que la priorité est donnée à des informations déjà connues depuis le prologue. Handicapé par la tâche de réintroduire l’univers de la bande-dessinée à un public profane, le deuxième film de Joann Sfar  tente de compenser par une grande générosité et des séquences animées impressionnantes et dynamiques pour un spectacle en 2D qui n’a pas à rougir face aux grosses machines américaines. Imparfait mais hautement recommandable. Petit Vampire, en salles depuis le 21 octobre via StudioCanal. https://www.youtube.com/watch?v=DcY94xcgpOQ



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