« Petit Vampire », retour sur la présentation du film


L’adaptation en long-métrage de Petit Vampire, célèbre bande dessinée de Joann Sfar qu’on ne présente plus, s’est dévoilée pendant le festival d’Annecy, où elle est sélectionnée dans la catégorie L’Officielle. Dans une présentation agrémentée d’extraits de scènes, de croquis, storyboards et séquences d’enregistrement vocal et musical, le réalisateur évoque la création du long-métrage et le sens qu’il donne à cette histoire.

Petit Vampire vit dans une maison hantée avec une joyeuse bande de monstres, mais il s’ennuie terriblement ! Une nuit, accompagné par Fantomate, son fidèle bouledogue, Petit Vampire s’échappe du manoir, bien décidé à rencontrer d’autres enfants…

En bon vampire, le personnage de Joann Sfar a déjà une longue vie derrière lui ! Avant tout une bande dessinée créée en 1999, arrêtée en 2005 puis reprise en 2017, la série compte actuellement 10 albums dont le dernier a paru en 2019 chez Rue de Sèvres. L’œuvre a par ailleurs été adaptée en 2004 sous forme d’une série d’animation de 52 épisodes pour France 3. Petit Vampire a donc fait un sacré chemin, depuis l’enfance de Joann Sfar où il est né :

“Dès l’école maternelle, j’imaginais un vampire qui faisait mes devoirs à ma place. Ça m’amusait de lui parler, de le dessiner, même si je savais qu’il n’existait pas. (L’histoire de Petit Vampire) est sans doute le plus autobiographique de mes récits.” L’adaptation en long-métrage était donc une suite logique, surtout pour Sfar, qui avait déjà été convaincu par le passé du “lien vertueux”, selon ses mots, qui peut exister entre littérature et animation.

Parce que l’œuvre de Sfar mélange une panoplie de monstres et d’humains aux designs très différents, l’adaptation représentait d’emblée un défi graphique. Afin que le mouvement des personnages ait l’air le plus naturel possible en dépit de leurs costumes ou leurs apparences uniques, l’équipe de réalisation a eu recours à des comédiens costumés pour poser la gestuelle des personnages qui sert de base à l’animation. Joann Sfar prône cette diversité, à la fois dans le graphisme mais également dans les voix choisies pour interpréter les personnages, dont les timbres et les sonorités sont là aussi diversifiés. En tête d’affiche on a notamment Alex Lutz qui joue le méchant Gibbous, Camille Cottin qui fait la maman de Petit Vampire, et Jean-Paul Rouve qui se glisse dans les os du Capitaine des morts. Quant à l’animation… Contrairement à l’esthétique de la série TV, particulièrement fidèle au trait vibrant de Sfar, pour le long-métrage les décors se lissent et prennent de l’ampleur. Les traits et contours des personnages, quelque peu simplifiés, s’en détachent davantage. Comme c’était déjà le cas pour Le Chat du rabbin, le processus de lissage et d’adaptation au long-métrage éclipse un peu ce qui fait la particularité du dessin texturé et nervuré de Sfar. Mais le tout n’en perd pas moins son charme, car le travail des dessinateurs et animateurs reste extrêmement fidèle à l’univers de l’auteur, et la cohérence entre les personnages et les décors dans lesquels ils évoluent a beaucoup de charme.

Pour ce qui est de la musique, le compositeur Olivier Daviaud a orchestré des compositions symphoniques qui soulignent les grands moments d’aventure du film, ainsi que des morceaux plus intimistes à la mandoline ou à la guitare, inspirés de la musique méditerranéenne, napolitaine et du sud-est de l’Europe, qui font écho au lieu de l’histoire plutôt que de jouer la carte des motifs musicaux typiques du film de monstre. On salue cette initiative créatrice qui ne conduit pas le film vers des sentiers battus et rebattus. Aussi bien au niveau de la musique que du propos, Petit Vampire va au-delà des stéréotypes du genre et de la catégorie d’œuvre dans lesquels il s’inscrit.

“Ce que j’essaye de toucher avec Petit Vampire, ce sont les enfants qui ont une famille toute tordue (touchée par la mort, la maltraitance, l’abandon…). Ces enfants-là, on ne peut pas toucher à leur chagrin, ça les regarde. Par contre, on peut parler de leur insertion sociale, dans le contexte du drame familial.” À travers les personnages de Petit Vampire et sa famille de morts-vivants, et de Michel, un enfant orphelin avec lequel Petit Vampire se lie d’amitié, Joann Sfar part en quête de l’expression d’une enfance dont le jardin intérieur s’est éboulé (pour reprendre une métaphore de Timothée de Fombelle dans son roman Neverland). Sfar ayant lui-même perdu sa mère quand il était petit, il est à même de parler avec justesse de l’expérience intime et sociale qu’un tel traumatisme engendre, et la résilience qui s’ensuit et abreuve la créativité, stimule l’imagination.

Inspiré par des histoires « existentielles » comme celles du Petit Nicolas ou de Snoopy, des histoires qui arrivent à « toucher ces moments d’enfance qui font prendre conscience des angoisses et des joies qui vont nous accompagner pendant toute la vie”, le réalisateur livre une approche subtile de son œuvre, qui ne verse ni dans le pathos ni la pédagogie mais donne la parole a un quotidien et un rapport aux autres différent, avec authenticité et simplicité.

“J’ai toujours admiré, chez les grands narrateurs américains, cette capacité à toucher aux sujets essentiels même quand on s’adresse aux enfants. J’essaye d’être l’héritier de cette narration (…) qui ne dérange pas les enfants pour rien.” L’adaptation en long-métrage de Petit Vampire promet donc d’être aussi aventureuse qu’émouvante. Rendez-vous sur nos écrans le 21 octobre 2020 via StudioCanal.


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