Critique – Ruby, l’ado kraken


Présenté en avant-première au Festival international du Film d’animation d’Annecy, Ruby, l’ado kraken, co-réalisé par Kirk DeMicco et Faryn Pearl, nouveau film des studios Dreamworks, va éclabousser les salles à partir de ce mercredi 28 juin.

Âgée de 16 ans, Ruby Gillman est aussi maladroite qu’adorable. Elle tente désespérément de trouver sa place au lycée d’Oceanside, où elle a l’impression d’être totalement transparente. Elle donne des cours de soutien en maths à un jeune skater dont elle est secrètement amoureuse, mais qui ne semble admirer chez elle que sa capacité à résoudre des équations. Et de toute façon, elle ne peut pas fréquenter les élèves les plus intéressants du lycée, car sa mère qui la surprotège lui a formellement interdit de se baigner dans l’océan. Mais le jour où elle lui désobéit et brise cette règle d’or, elle découvre qu’elle est la descendante directe de la lignée des reines guerrières Kraken, et qu’elle est destinée à monter sur le trône jusque-là occupé par sa grand-mère : la reine guerrière des Sept mers.

Ruby, l’ado kraken prend la forme d’un teen movie classique, mais sait jouer de ses tropes pour préserver l’authenticité de ses personnages. La jeune Ruby se sent étrillée entre ses envies adolescentes (avoir un petit ami, sortir…) liées à sa vie quotidienne et sa condition de kraken qui a été reniée par sa mère afin de construire leur vie terrienne. Elle se retrouve à devoir se construire avec le côté sur-protecteur de sa mère et les légendes de sa grand-mère qui vont la pousser à commettre l’irréparable.

Dans la famille Gillman (en référence à La créature du Lagon Noir), ce sont les femmes qui sont puissantes : Agatha est la reine des agents immobiliers et Grandmamah règne sur les fonds marins. Les hommes arrivent néanmoins à être touchants : Blue, le jeune frère, est un gamin tout ce qu’il y a de plus gamin et est souvent bête. Une mention spéciale revient au père, Arthur, qui arrive à assembler modernité et daronnitude avec sa chaine Twitch sur les maquettes de bateaux en bouteilles, un genre de détail auquel il est facile de s’identifier en tant qu’adulte.

Dans sa vie lycéenne, Ruby, interprétée par Lana Condor, affronte la gêne extrême de s’annoncer auprès de son crush, Connor, mais possède surtout un entourage sain avec ses amis hilarants : les pointes d’humour noir de Bliss la gothique sont priceless et le soutien de sa plus proche amie, Margot, est immense. L’enjeu amoureux passe de manière rafraichissante au second plan, au profit de la relation complexe qu’elle entretient avec Chelsea, rivale populaire informée du secret de Ruby. L’actrice Annie Murphy arrive à apporter de la sincérité et de la duplicité à cette sirène ostentatoirement fabuleuse. Cette amitié interdite va finir de cristalliser les relations familiales déjà tendues dans ce quotidien entre deux eaux.

L’esthétique du film repose sur le contraste entre les fonds marins sombres et fluorescents, et la ville côtière où vit la famille Gillman. L’animation des protagonistes s’inscrit dans une veine rétro avec leurs membres nouilles à la Fido Dido (oui, la référence est antique) mélangée à une expressivité que ne reniera pas les studios Aardman. Un soin a été appliqué avec la présence de particules dans l’immensité aquatique des profondeurs. Oceanside sort du lot par son aspect toyétique, avec une texture légèrement vinyle apporté sur les différentes architectures et les véhicules marins ou terriens. On a aussi la sensation de traverser la Bretagne, avec cette profusion de bonnets et de pulls en mailles épaisses, vraiment ce lieu donne des envies de vacances. La diversité des textures confère au visionnage du film une richesse bienvenue.

Ruby, l’ado kraken donne ce qu’il faut d’histoires adolescentes, évoquant tour à tour Clueless ou Lolita malgré moi dans sa cruauté relationnelle. Le métrage de Kirk de Micco et Faryn Pearl arrive aussi à provoquer du fun et la décontraction nécessaire à un film estival. Pour ma part, j’irai le revoir en version française et je vous engage à faire de même.



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