Ce 19 mai 2021, c’était la réouverture des salles de cinéma en France, le retour des sièges confortables, la pénombre intimiste et le grand écran d’émotions ! L’occasion pour Kinepolis et Eurozoom d’inaugurer ces retrouvailles par des séances exclusives du tant attendu long-métrage de Violet Evergarden. Le film repoussé depuis 2 ans (en cause l’incendie tragique des studios de Kyoto Animation, et par la suite, les directives gouvernementales de confinement) vient clore cette longue saga qui a connu une série animée avec épisodes spéciaux ainsi qu’un OAV.
⊗ Attention, cet article contient des éléments de spoilers !
Violet Evergarden est toujours incapable d’oublier Gilbert, son ancien supérieur hiérarchique. Un jour, alors qu’elle répond à la demande d’un jeune client, CH Postal découvre une lettre sans adresse à l’écriture familière dans leur entrepôt…
L’ouverture du film se fait dans un silence de plomb, un silence qu’on a perdu l’habitude d’entendre, d’écouter et d’habiter. Le tic-tac d’une horloge pose le décor, c’est un voyage à travers les lettres, les histoires, les temporalités et la postérité. Cela a toujours été dans l’univers des poupées de souvenirs automatiques. Les émotions et les années, que traverse Violet dans une incompréhension et une tentative d’apprivoisement qui touche l’empathie des spectateurs.
Alors le temps… Le temps du récit qui voyage de passé en futur, le temps des écrits qui fait de l’épistolaire l’un des plus grands vecteurs d’histoires et d’interprétations, le temps de la guerre, le temps de la paix, le temps qui s’emplit d’absence, le temps figé dans un regret, une promesse… Et la nécessité de celui-ci pour avancer, apprendre et guérir…
Le temps qui perdure au travers des correspondances. Jusqu’au futur, quelques générations après l’existence des poupées, le futur avec Daisy, l’arrière petite-fille d’une femme que l’on avait rencontré dans la série.
[SPOILERS] Il s’agit de l’épisode 10, « un être cher veillera toujours sur vous » : Une maman gravement malade décide d’écrire 50 lettres à sa fille âgée de 7 ans. 50 lettres pour 50 anniversaires, 50 années d’absences comblées par une pensée régulière jusqu’à la moitié de sa vie. [SPOILERS]
Violet devient un élément fondamental dans la vie des personnages, symbolisant – tel un timbre – le lien d’une émotion à une autre. C’est ainsi que l’on plonge dans l’aventure de ce film, à travers la quête historique et familiale de Daisy. On retrouve Violet à l’apogée de son talent, elle est une réelle célébrité depuis les lettres d’amour qui ont participé à la réunification des deux états de Leidenschaftlich et Gardarik. Malgré ses prouesses de poupée, elle reste aussi un soldat loyal à son devoir, et au delà, possède une dévotion sans faille envers le Major Gilbert Bougainvilliers à qui elle écrit tous les jours.
Le temps de la paix est arrivée. La paix est souvent garante d’avancées technologiques et c’est l’arrivée du téléphone dont il est question. Un nouvel outil de communication fort. Il est vécu comme une concurrence nécessaire, qui amorce la fin des poupées et témoigne d’une réussite sociale : la démocratisation de la communication et avec elle, rapidement celle de l’écriture. Ce téléphone qui trouve l’intensité de son rôle vers la fin du récit, car parfois le temps manque et les mots les plus simples ont l’urgence de parvenir à leur interlocuteur. La paix qui s’installe, amène avec elle son lot de blessures à panser. La thématique du deuil est une habituée de la saga, le film démarre avec le décès d’une grand-mère aimante, se poursuit avec la volonté pour les personnages de passer à autre chose.
[SPOILERS]Erika devient dramaturge, Benedict souhaite prendre plus de responsabilités au sein de CH Postal, le capitaine Dietfried pardonne et estime enfin Violet en se défaisant des affaires de son frère, l’équipe du CH Postal tente d’accompagner Violet hors de son chagrin…[SPOILERS]
Car elle peine à avancer, son amour perdu ponctue ses journées comme ces fleurs qu’elle dépose chaque mois sur la tombe de celle qui l’a recueilli. Ce temps qui ne passe pas est celui de sa conviction, de sa foi en l’existence quelque part du Major, de cet ordre jamais accompli de veiller sur lui.
[SPOILERS]Cette patience récompensée par l’arrivée d’une lettre manuscrite, sans adresse, se retrouvant sous les yeux du Président Claudia Hodgins. Une patience mise à l’épreuve devant un Gilbert rempli de culpabilité et de flagellation émotionnelle…
Je ne vous cacherai pas que je m’étais tellement faite à son décès que le voir réapparaître (sans l’excuse de l’amnésie de surcroît) m’a refroidi. Mais il a permis au personnage de Violet de s’émanciper de cet emprise, le sachant en vie, malgré son rejet, elle se libère de sa dévotion envers son fantôme, et elle préfère respecter son devoir de poupée jusqu’au bout, celui qui l’a construit jusqu’à aujourd’hui. Veiller à ce qu’Ulysse reçoive tout le service qui lui revient. Qu’il puisse exprimer ses sentiments avant le silence éternel qu’est la mort.
Si Gilbert change d’avis, c’est lui aussi quand il se sent libéré du poids des responsabilités dans lesquelles il s’était emprisonné, son frère lui permet de se retirer dans une vie qu’il choisit. La fin réunit deux personnes libérés de leurs blessures (malgré les cicatrices sévères physiques) et peuvent se promettre en pleine conscience de vivre ensemble parce qu’ils le veulent, et non parce qu’ils le doivent.
On notera d’ailleurs que les retrouvailles sont d’une larmoyante lenteur. Je ne l’ai compris qu’après, Violet n’arrive plus à exprimer quoi que ce soit d’autre que le « Je » et ses larmes. Quel final pour une jeune femme qui était cantonnée à la poupée-soldat aux expressions robotisées ![SPOILERS]
Violet Evergarden, Le Film démarre avec un message : « Sincerely », traduit par « Du fond du cœur », qui sont les derniers mots du Major à Violet. C’est le propos de la saga qui touche à son apogée. Qu’est-ce que le besoin de poser des maux si ce n’est la nécessité de s’être tout dit, d’effacer le regret mortifère et de trouver dans l’envoi d’un sentiment sincère, la sérénité d’une réception douce et salvatrice. Que ce soit par l’intermédiaire d’une lettre, d’un appel téléphonique, d’un dernier regard… C’est un hymne à l’écriture, un conte sur la sincérité des paroles qui ne connaissent ni regrets ni temps : Les mots d’amour dont l’usure n’atteint que les pages mais jamais l’émotion.
Une belle conclusion que je vous invite à voir !