Depuis janvier, tout Internet s’enflamme pour Elena of Avalor, « la première princesse latine de Disney ». Une annonce qui pousse à la méfiance quand on se souvient que la Princesse Sofia de Sofia the First, avec son physique de petite fille russe, avait également été présentée ainsi en 2012. Alors qu’en est-il d’Elena ? Et que peut-on attendre de la série Elena of Avalor ?
Un spin-off de la série Princesse Sofia
Avec déjà trois saisons, Princesse Sofia est l’un des programmes les plus regardés par les moins de cinq ans aux États-Unis. C’est également un grand succès en France, où la série diffusée sur M6 enregistrait une moyenne de 260 000 téléspectateurs par épisode quelques semaines après son lancement. Le concept, très simple, a de quoi séduire les enfants, et plus particulièrement les fillettes : une petite fille ordinaire devient princesse quand sa mère épouse le roi et elle se retrouve à fréquenter les princesses du monde entier, y compris les célèbres princesses Disney comme Cendrillon ou Ariel. En plus, elle a une amulette magique qui lui permet de parler aux animaux. Banco Disney !
Alors pourquoi ne pas prolonger le succès (et les ventes marketing) avec un spin-off et une nouvelle franchise ? Ainsi est née Elena of Avalor, adolescente et princesse d’un royaume magique enfermée dans la fameuse amulette d’Avalor que Sofia porte autour du cou. Un épisode spécial d’une heure, Elena and the secret of Avalor, est prévu cet automne afin de conter comment la Princesse Sofia réussira à libérer Elena, avant que cette dernière reprenne les rennes du royaume d’Avalor à une sorcière maléfique. La série Elena of Avalor, elle, sera diffusée dès le 22 juillet sur Disney Channel aux USA. Notez que ce sont nos amis de TeamTO qui s’occupent de l’animation pour Disney Television Animation, ce qui signifie qu’une partie de l’ADN d’Elena est française !
Elena of Avalor : une vraie princesse latina
Après le bad buzz de Sofia, la princesse pas vraiment latina, Disney semble avoir retenu la leçon. Elena a la peau tannée (mais pas trop tout de même, un bronzage estival permanent quoi), des yeux bruns aux reflets noisettes et une longue chevelure brune : des caractéristiques physiques associées aux jolies latines. Pensez Salma Hayek, Eva Longoria, Penelope Cruz, J-Lo, Jessica Alba… ou encore Selena Gomez et Ariana Grande pour les plus jeunes.
Ajoutez à ça une tenue et des accessoires typiques, et vous obtenez effectivement une princesse latina. Sa robe longue ne manquera pas de vous rappeler les robes traditionnelles mexicaines (ceinturée, épaules nues et volant sur la poitrine) ou les robes de flamenco espagnoles (souvent rouges et fendues). Son bracelet est orné de turquoise, une pierre très utilisée dans l’orfèvrerie en Amérique centrale ; la ceinture tissée est très commune au Mexique, ou dans la culture marocaine qui est très présente en Espagne ; et aucune princesse Maya ne renierait ses boucles d’oreilles.
Les premières images d’Elena of Avalor montrent que les influences latino-hispaniques sont présentes dans tous les aspects de la série, du scénario aux personnages, en passant par l’architecture, les décors et la musique. Par exemple, les métamorphes du premier épisode sont basés sur une créature mythologique chilienne appelée Peuchen et l’esprit-guide d’Elena est inspiré d’une croyance du peuple Maya. Enfin, on nous promet des chansons originales aux accents de soleil, et j’ai l’intuition que nous n’allons pas être déçus ! La chanson du générique, composée par la guatémaltèque Gaby Moreno, a une rythmique et une tonalité latines qui la rendent particulièrement entraînante (je l’écoute en boucle depuis qu’elle est disponible, c’est dire). https://youtu.be/7Iu9vgCK3MI
Vaiana au cinéma, Elena à la télévision
La promesse d’un univers basé sur la culture latine avec une vraie princesse latina semble remplie et il y a de quoi se réjouir. Surtout quand l’on sait que la communauté latino est sous représentée sur les écrans : près de 20% de la population des États-Unis est latino-américaine et moins de 5% des rôles dans les films à succès hollywoodiens sont confiés à des acteurs hispaniques (et les actrices latina ont plus de chances de finir nues à l’écran que leurs collègues, mais c’est un autre sujet). Ici, Disney a également tablé sur un casting en majorité hispanique, avec notamment l’actrice dominicaine Aimee Carrero pour doubler Elena. Une décision qui semble logique, mais qui n’est pas toujours appliquée dans le doublage. Rappelez-vous de Jasmine, elle était la première princesse de couleur de Disney mais était doublée par une actrice blanche, Linda Larkin.
Pourtant, la nouvelle ne satisfait pas une partie de la communauté. Mandy Velez, journaliste et directrice éditoriale de Revelist.com, a écrit qu’elle se sentait volée. Elle explique qu’il était temps que les petites hispaniques aient un modèle auquel s’identifier mais ne comprend pas pourquoi Elena n’a pas le droit à son propre long-métrage au cinéma « comme toutes les vraies princesses Disney » alors que Vaiana (Moana) si. Est-ce que ça signifie qu’Elena of Avalor n’est pas assez bien pour le grand écran ? Elle ajoute très justement « je crois que ma culture mérite d’être vue par une audience nationale, et pas seulement par des familles qui ont des enfants de moins de cinq ans ». Alors pourquoi une série et non un film, puis une série ? La maison aux grandes oreilles ne l’explique pas et reste vague, comme à son habitude, sur la notion de « Princesse Disney » : Elena ne fait pas partie de la liste officielle des Princesses Disney mais il sera possible de la rencontrer en chair et en os à Walt Disney Wold Resort dès cet été…
Elena of Avalor sera diffusée en 33 langues et dans 160 pays, ce qui assure tout de même une certaine audience, à défaut du prestige et de l’aura d’un long-métrage. Voyons le bon côté de la chose : Disney aura toute la marge de manœuvre nécessaire pour développer l’histoire et le personnage au fil des saisons.
Devenir une leadeuse sera sa plus grande aventure
L’affiche de la série titre « becoming a leader will be her greatest adventure ». C’est également le défi de générations de femmes puisque le leadership est encore majoritairement perçu comme une compétence exclusivement masculine, comme le montrent de nombreuses études sur les stéréotypes relatifs au genre. Il en résulte une auto-censure chez les femmes, d’abord dans le choix de leurs études, puis dans leur univers professionnel où elles n’osent pas postuler quand une offre d’emploi met en avant des compétences dites masculines, ce qui est trop souvent le cas. Cette auto-censure contribue au maintien du plafond de verre et à la rareté des femmes dans certains domaines, comme l’informatique. Or, tout ne tient qu’à une construction sociale inculquée dès l’enfance par les médias, la culture et, malgré eux la plupart du temps, les parents.
Elena est décrite comme courageuse, aventureuse, drôle, attentionnée et intelligente. Elle n’hésite pas à prendre part à l’action, épée à la main. Quand un garde veut l’éloigner du danger et lui dit « c’est mon boulot de vous protéger », elle refuse de se comporter en petit être fragile – voire servile – et répond avec panache « c’est mon boulot de protéger tout le monde ». Bien loin des stéréotypes féminins usuellement véhiculés dans la fiction. Personnellement, ça m’évoque fortement Mérida, un personnage féminin fort et moderne, qui n’a malheureusement pas fait consensus.
Ais-je tort de voir en Elena of Avalor un nouvel essai en la matière ? D’espérer qu’en plus d’être une icône pour la communauté latino, elle soit un modèle féministe pour les petites filles du monde entier ? Qu’elle montrera à tous les enfants qu’une femme peut tout faire, que le genre ne limite pas les compétences ? Qu’elle pousse les petites filles à rêver sans freins, et à poursuivre leurs rêves à l’âge adulte ? Le premier épisode va en ce sens, j’attends donc beaucoup de la suite !