Exceptionnel ! Immersion chez Dandelooo !


Au mois de mars 2015, nous avons eu la joie de visiter les locaux de Dandelooo. Nicolas et Muriel n’ont nullement été refroidis par l’avertissement en forme de blague de la part de Jean-Baptiste Wery, producteur et co-fondateur de l’entreprise : « Vous savez, on n’a pas des locaux aussi grands que ceux de TeamTO ! » (Voir notre immersion précédente). C’est donc après une série de mails cordiaux avec Lorène Lescanne qu’ils ont sauté dans un train afin d’aller voir l’équipe derrière le spécial Houdini et vous ramener quelques interviews dont la première est à lire ci-dessous !


Peux-tu te présenter pour nos lecteurs ? 

Je m’appelle Jean-Baptiste Wery, je suis producteur et aussi fondateur avec mes deux associés, Cédric Babouche et Emmanuelle Petry de Dandelooo, une société qui existe depuis huit ans aujourd’hui.

Nous venons de finir un film, Houdini, dont nous sommes très fier. C’est un joli film sur la magie et sur un enfant qui va aller au bout de ses rêves.

Justement, au sujet d’Houdini, comment le sujet est-il arrivé chez vous, comment s’est déroulé cette coproduction avec 2 Minutes et Walking the Dog ?

À la base d’Houdini, il y a tout d’abord la fascination pour un personnage, celui d’Harry Houdini, que j’ai découvert via Sydelia Guirao, qui a écrit les premières moutures du le projet. C’est un personnage qui a quelque chose d’héroïque, de très surréaliste et quelqu’un qui a fait de sa vie un mystère, quelque chose qu’il a laissé en héritage et que les gens pourraient essayer de décrypter.

Il a bien sûr été un grand magicien à son époque mais c’est aussi une des premières personnes qui a été considéré comme une star du showbiz dans la mesure où il a vraiment réussi à se faire connaître pas uniquement dans son environnement proche mais dans le monde entier. Il a été l’un des premiers à faire des tournées internationales de magie et il avait tout un tas de techniques pour amener les gens à s’intéresser à ce qu’il faisait en racontant des anecdotes.

La première était qu’à chaque fois qu’Harry arrivait dans une nouvelle ville, il allait voir la police et leur disait « je vous mets au défi de me mettre en prison, me ligoter à votre bon vouloir, je vous parie qu’en deux heures je m’en évade. » Et à chaque fois il y arrivait.

C’est une anecdote qui me plaisait et dans le même genre, une autre où il réunissait tous les journalistes sur un pont au-dessus d’une rivière et se faisait ligoter et enfermer dans un coffre-fort enchaîné qui était jeté à l’eau. Si le cours d’eau était gelé, c’était encore mieux ! Une minute plus tard il ressortait de l’eau par lui-même.

Ce sont des choses percutantes de la part d’une personne vivant au dix-neuvième siècle, prête à accomplir des actes aussi fous et à aller au bout de sa volonté. Houdini a fait de la magie, avait une obsession, une fascination pour les médiums, il s’amusait à démonter toutes les machines qu’il trouvait, il a produit et réalisé des films, il a été aviateur, il a poursuivi quelque chose toute sa vie, donc raconter ça pour un jeune public, c’est assez excitant.

Donc il y a eu ce personnage hors du commun qui nous a forcément amené à la magie, une chose que je ne connaissais pas particulièrement avant ça et j’ai découvert un domaine complètement fascinant, du fait que des enfants comme des adultes arrivent à se persuader, à s ‘exciter pour quelque chose que l’on sait a priori inexistant.

Les enfants peuvent croire que ça n’existe pas, mais les adultes ne devraient pas y être intéressés, tout rationnels qu’ils sont et je trouve ça intéressant que, quel que soit l’âge, quelle que soit l’époque, on continue de s’y intéresser.

C’est quelque chose qu’on a voulu explorer, plus encore en constatant que c’était un sujet assez peu abordé en animation. Nous avons approché des diffuseurs, dont certains nous ont affirmés que le sujet ne fonctionnerait pas alors que les plus joueurs nous ont demandé de prouver que le concept pouvait marcher.

Et c’était le plus grand enjeu du projet : est-ce qu’avec un médium comme l’animation, où on peut tout montrer, puisque c’est son essence même, peut-on réussir à faire croire au spectateur que ce qu’il voit est vraiment de la magie. C’était notre plus grand défi.

Pour répondre sur le sujet de la collaboration, le studio coproducteur qu’est 2 Minutes s’est occupé de l’animation et du compositing via son studio d’Angoulême et celui de Chine ainsi que Walking the Dog qui se sont chargé de la fabrication des décors en couleur. Dandelooo est toutefois l’initiateur du projet et l’a mené de front, l’a défendu auprès des diffuseurs, a monté le financement et ficelé l’ensemble. Emmanuelle Petry et moi-même nous sommes chargés de ça et nous nous occupons aussi de vendre le projet à l’international.

Cela fait quatre mois qu’Houdini a été diffusé à la télévsion française et belge, quels sont les retours qui vous sont parvenus et quel est l’avenir pour Houdini, sachant que le concept était initialement destiné à devenir une série ?

Les retours de la diffusion sur France 3 et sur la RTBF sont excellents, en Belgique je sais que ça a été un des hits de Noël. Il y a eu une grande satisfaction et sur France 3 nous avons égalé les audiences faites par Les Lapins Crétins, qui est considéré niveau audience comme le haut du panier.

On a fait également une projection dans un cinéma durant laquelle on a invité beaucoup d’enfants et on a eu des retours directs des enfants et je me souviens notamment d’un enfant qui est venu me voir et qui m’a dit, sûr de lui « je sais ce qui va se passer dans le 2 ! ».

Ça m’a fait sourire car moi-même j’ignore ça, mais lui le savait déjà (rires) ! Ce qui est amusant car le souhait initial lorsqu’on a rencontré la chaîne, c’était de mettre sur pieds un film pour la famille que les enfants peuvent regarder avec leurs parents et que ces derniers y aient un intérêt, à savoir cet univers steampunk, ce côté vieille époque, un méchant grandiloquent, une certaine noirceur et l’aspect technique de la magie.

On se rend compte quand on analyse les chiffres d’audience que le film a très plu à des pré-ados et aux jeunes adultes, qui ont aimé un style qu’ils ont pu voir dans les années 80, bien sûr modernisé. Mais ce côté épique, avec une touche d’aventure, en costume, ce sont des choses que nous avons tenu à défendre et nous avons été chanceux de trouver des gens qui partagent cet enthousiasme mais c’est loin d’être quelque chose qui ressemble à ce qu’un diffuseur peut rechercher traditionnellement.

Aujourd’hui ce premier film fonctionne très bien à l’international puisque nous l’avons vendu dans plus de trente pays, ce qui est un excellent début. On se rend compte de l’attractivité du personnage et de la thématique qui est sous-représentée à l’écran et qui est plutôt à la mode en ce moment et on essaie autant que faire se peut de lui donner une carrière cinématographique en le présentant à des festivals.

C’est aussi la première pierre à un édifice plus grand puisque Houdini est comme une préquelle à une série sur laquelle nous travaillons actuellement au niveau des scénarios et de la conception graphique. On espère qu’un diffuseur aura la courage de s’en emparer et d’en faire l’une de ses prochaine effigies de l’antenne. Il y a de quoi s’amuser mais l’on reste loin des thèmes habituels sur lesquels les chaines ont des évidences. L’avenir nous le dira ! Il nous faut juste des gens passionnés et courageux et l’on arrive à faire de belles choses.

Cédric Babouche a évoqué dans son interview (disponible en vidéo ci-dessous) le transmédia, et vous avez produit par le passé « Moutcho et Pitrouille ». Comment se place Dandelooo par rapport au transmédia et le côté plus traditionnel de l’animation, ainsi que la profusion de moyens plus ou moins interactifs de voir des œuvres aujourd’hui. Quelles sont vos idées sur le sujet ?

Nous avons déjà commencé à développer des outils touchant au transmédia, c’est une chose qui nous excite beaucoup, car on voit certaines directions pour la télévision de demain, notamment la télé augmentée, un écran accompagné d’autres médias et d’autres expériences et nous sommes très intéressés par ces nouvelles manières de toucher le spectateur.

On a donc la volonté de développer toute une architecture transmédia avec une chaîne Youtube qui pourrait héberger des tutoriels de magie, des jeux pour tablettes, à la fois quelque chose de purement ludique et la possibilité d’étendre l’univers d’Houdini et de l’autre ce côté pédagogique absolument nécessaire pour les parents. Dans le domaine du jeu vidéo, on explore également la piste des « mind games » et des jeux d’énigmes qui semblent être adaptés à ça.

La vraie question serait plutôt : sur quoi ? Les investisseurs sur le transmédia demandent régulièrement au producteur des garanties de visibilité suffisante à la télévision ou au cinéma donc le transmédia dépendra énormément de ce qu’on fera du projet de série télé ou au cinéma car l’on continue d’explorer nos envie d’emmener le personnage sur le grand écran.

Dandelooo fait également de la distribution à l’international. Quels sont les critères qui entrent en jeu pour votre sélection dans votre catalogue ?

Ce volet de Dandelooo est venu par Emmanuelle, qui a une très grande expérience dans le domaine de la distribution et lorsqu’on l’a rencontré, nous nous sommes dit qu’il serait dommage de ne pas pouvoir mettre ses talents à contribution, d’autant plus qu’ils sont très cohérents avec la mise sur pieds de film d’animation, puisqu’on finance un film en France à peu près à 60-70% et que l’on a toujours besoin d’aller chercher de l’argent à l‘étranger, ce qui n’est pas le cas de la fiction live.

Du coup c’est quelque chose de très complémentaire et de prendre le poul de ce qui se fait à l’international. Avoir l’avis d’un distributeur norvégien, d’un autre du monde arabe nous permet de se rendre compte de chose auxquelles nous n’aurions pas pensé et que l’on peut corriger.

C’est quelque chose de précieux et notre ligne éditoriale reste la même : on fonctionne au coup de cœur tout en gardant en tête l’importance commerciale que revêt l’animation. Il faut donc rester pragmatique tout en gardant une part de passion dans ce que l’on fait et ça nous semble à tout les trois très important.

Sinon nous continuons à accompagner les producteurs sur la mise en forme de leurs projets, leur financement, les dossiers à mettre en place, toutes ces problématiques que l’on a en tant que producteur. C’est un dialogue intéressant à bâtir au quotidien et l’on travaille actuellement sur « Ernest et Célestine » avec Folivari, « Kiwi » par Double Mètre animation, « Fishtronauts » une nouvelle série brésilienne et toujours nos projets en interne, dont a parlé Cédric.

Merci, Jean-Baptiste, pour cette Interview !

Merci à vous.

Interview réalisée par Muriel Salzard en mars 2015.



Une galerie de photos d’une partie des locaux est visible ci-dessous. La même galerie est disponible en vue « plein site » à cette adresse !

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