Une fois n’est pas coutume, je viens vous parler d’un film d’animation qui cible le jeune public. Ayant moi-même peu de contact avec les enfants, je ne suis clairement pas une spécialiste jeunesse, je vous parlerai ici donc simplement de mon ressenti d’adulte ayant gardé une âme d’enfant. Car Chien Pourri, La Vie à Paris ! a vite déclenché en moi une profonde tendresse que j’ai envie de partager avec vous. Si vous avez des enfants dans votre entourage, vous connaissez peut-être déjà la série de romans de l’École des loisirs « Chien Pourri », écrite par Colas Gutman et illustrée par Marc Boutavant. Forte de son succès en librairie, la licence se décline depuis cet été à la télévision sur Okoo et sur France 3 dans une série animée, adaptée par Vincent Patar et Stéphane Aubier, les créateurs de Cowboy et Indien de Panique au village ! En octobre, c’est sur grand écran que vous pourrez suivre Chien pourri, la vie à Paris. Le programme est conseillé pour les enfants à partir de 4 ans.
Il était une fois un chien parisien, naïf et passionné appelé Chien Pourri. Avec Chaplapla, son fidèle compagnon de gouttière, Chien Pourri arpente les rues de Paris la truffe au vent. Peu importe les catastrophes qu’il provoque, Chien Pourri retombe toujours sur ses pattes ! Tant et si bien que les autres chiens commencent à trouver ça louche… La folle aventure de Chien Pourri et ses amis pour faire découvrir la poésie de Paris aux tout-petits !
Réalisé par Davy Durand (qui a notamment travaillé sur Avril et le monde truqué), toujours avec la participation de Vincent Patar et Stéphane Aubier, Chien Pourri, La Vie à Paris est un programme composé de 5 épisodes de la série et agrémentés d’interludes inédits qui sont un délice pour les yeux et les oreilles. Je vous laisse découvrir ici la bande annonce. Elle donne déjà à voir une adaptation respectueuse du matériau d’origine, signée Jean Regnaud. La force de cette série est de présenter un héros bête et crasseux mais empreint de grâce et de dignité. On pouvait craindre que l’adaptation en film d’animation perde cet équilibre subtil. Les propos de Jean Regnaud à ce sujet témoignent de l’attention apportée à respecter ce subtil équilibre : « Chien Pourri est un héros formidable, intégralement naïf. Son cerveau, c’est son cœur. On s’identifie instantanément à lui. Il était inutile de le « dresser », de le polir, pour adapter ses histoires. Je n’ai pas touché le moindre poil de sa fourrure odorante. Il a traversé l’écran tel quel, avec ses qualités et ses défauts. Mon travail d’adaptation s’est limité à redéfinir l’univers géographique, notamment son voisinage immédiat, et à inventer de nouveaux personnages récurrents. » Le personnage de Chien Pourri offre la dimension originale à cette œuvre qui porte haut les couleurs de la tolérance et de la gentillesse. Dans le pitch, on nous décrit Chien Pourri comme un chien « naïf ». Avec tout le respect qu’on peut avoir pour le travail de l’équipe marketing qui a certainement choisi le terme de « naïf » avec précaution, autant vous dire le clairement : Chien pourri est stupide, voire il est un peu dérangé. Pourtant on est loin d’un lapin crétin qui déambule en criant et en gesticulant à corps perdu. Le style graphique rétro et élégant de Marc Boutavant est repris et mis en mouvement avec beaucoup de poésie. Chien Pourri a certes l’apparence et l’odeur d’une vieille serpillière puante mais il est doté d’une silhouette élancée qui se déplace la plupart du temps avec une élégance décontractée et aérienne. Les dialogues mettent en scène les jeux de mots basés sur le premier degré de Chien Pourri reprenant l’humour des textes de Colas Gutman. Toutes ces nuances contribuent à donner à ce personnage toute sa force.
En effet, la façon de penser de Chien Pourri est différente de celles des autres personnages et de celle du spectateur. Sa gentillesse spontanée provoque l’étonnement de chacun. Sa compréhension limitée de ce qui l’entoure suscite deux types de réactions : la tendresse de ses amis qui vont se laisser emporter par sa vision décalée et poétique du monde, ou a contrario les moqueries des antagonistes qui préfèrent le cantonner au rôle de l’idiot du village et tenter de tirer profit de cette naïveté. Mais il serait trop facile d’imaginer que la stupidité de Chien pourri est une faiblesse qui en ferait un personnage vulnérable à protéger, voire une victime. C’est tout le contraire qui se produit : Chien pourri est véritablement le héros, c’est lui qui est le moteur des aventures et de leur résolution. Son imagination se conjugue merveilleusement avec son côté très premier degré pour enchanter le monde : une boîte à meuh ou une moule posée sur une pizza deviennent des amis, le dépaysement de la plage ou même les charmes de New York se découvrent au détour d’un quartier voisin. La faible capacité de réflexion de Chien Pourri, loin de l’handicaper, le met en prise avec ses émotions, avec ses ressentis. Grâce à cela, il crée des liens honnêtes et a foi en son prochain. Secondé par une galerie de personnages secondaires efficaces, il ne laisse personne indifférent. Il embarque ainsi souvent par sa bonne humeur et sa gentillesse, ses amis dans l’aventure. Mon seul regret concerne les personnages féminins qui sont peu nombreux et ne brillent pas particulièrement, à l’exception notable d’une petite puce qui va prouver à son père et son frère qu’elle peut, elle aussi, prendre les choses en main. Force aussi est de constater que peu de femmes apparaissent parmi les noms cités dans le casting et les équipes. Toutefois, Chien pourri, la vie à Paris est une sélection de 5 épisodes d’une série qui en compte bien plus. On peut espérer que les personnages féminins sont plus fouillés à d’autres occasions.
A défaut d’un angle féministe, Chien Pourri porte un vrai point de vue sur le détachement vis à vis des possessions matérielles. Il apprécie intensément ce qu’il a, au lieu de convoiter ce qui est hors de sa portée et il partage le peu qu’il possède avec générosité. L’autre force contre intuitive dont bénéficie Chien Pourri est son absence d’anticipation des difficultés à venir ou rencontrées. Ce trait lui confère un optimisme à toute épreuve, même si son objectif semble impossible à atteindre de prime abord aux personnages (et aux spectateurs !) doués de raison. Il est uniquement concentré sur le but qu’il s’est fixé et ne se décourage pas malgré les échecs initiaux ou les moqueries qui glissent sur lui sans jamais l’atteindre. Et ses efforts sont payants ! A tel point que ses succès suscitent la convoitise de ceux qui l’observent en ricanant. C’est là une des très bonnes idées de l’univers : Chien pourri est pauvre, sale, faible et pas malin mais il est envié, jamais ridiculisé. Et surtout il est heureux : il a de vrais amis qui l’acceptent tel qu’il est et avec qui il se montre généreux, son optimisme contagieux change aussi la vision du monde de ceux qui l’entourent. Mais encore rien ne lui semble impossible : la rue et les poubelles qui l’entourent regorgent pour lui de trésors et d’aventures. Ses qualités de cœur, et un petit coup de chance par ci par là, sont une force extraordinaire. Elles de sont d’autant mieux mises en valeur qu’elles ne sont jamais secondées par son intellect ou sa force physique.
Au final, Chien Pourri est donc un héros résolument différent dont les aventures appellent chacun à plus d’ouverture et de tolérance. Sa gentillesse et son énergie optimiste peuvent nous inspirer pour aborder la vie avec une autre perspective, que l’on soit petit ou grand. C’est un héros que j’aurais été heureuse de côtoyer enfant et que je suis contente d’avoir rencontré aujourd’hui. Chien Pourri, La Vie à Paris ! sort en salles le 7 octobre.