Déjà présent à en compétition à Cannes et arrivé tardivement dans la grille Annécienne pour une séance spéciale en avant-première, Another Day of Life est l’adaptation « D’une guerre à l’autre » de Ryszard Kapuscinski, à l’origine d’une longue lignée de reportages et de livres durant sa carrière journalistique.
1970. Le grand reporter de guerre Ryszard Kapuscinski se retrouve en pleine guerre civile en Angola, à l’aube de son indépendance. Kapuscinski s’embarque alors dans un voyage suicidaire au cœur du conflit. Il assiste une fois de plus à la dure réalité de la guerre et se découvre un sentiment d’impuissance. L’Angola le changera à jamais : parti journaliste de Pologne, il en revient écrivain.
Réalisé par Damian Nenow et Raul de la Fuente, cette aventure du point de vue de Kapuscinski possède quelques courts passages en live qui permettent de rattacher la narration au réel, puisque le métrage fait également preuve de liberté avec l’esthétique rattachée au point de vue du journaliste.
Un procédé extrêmement intéressant et visuellement attrayant puisque dans les pensées de notre journaliste, les métaphores ne manquant pas et rappellent aux plus observateurs que le co-réalisateur Damian Nenow avait déjà fait ses armes sur l’excellent Path of Hate, court-métrage sorti il y a huit ans et produit chez Platige Images.
C’est la même société que l’on retrouve aux commandes de l’animation d’Another Day of Life, pour mon plus grand bonheur car ce type de production est souvent minimaliste (ce qui était un choix pour le Mur ou 25 April) ou faite avec beaucoup de bricolage et d’économie (Sabogal en est un bon représentant).
Ici, Platige sort son expérience et son arsenal de talents au-dessus du niveau habituel de ce type de production : les personnages interagissent avec fluidité entre eux et le décor, les layouts sont propres, les regards sont vifs et les voix qui doublent nos personnages sont bien dirigées.
Cette combinaison gagnante ne se relâche à aucun moment et sert au maximum le point de vue de notre héros. Ce reporter obstiné et humaniste nous montre la difficulté comme la dangerosité des choix auquel il doit faire face dans l’exercice de son métier, et les méandres idéologiques entre lesquels il s’immisce pour tenter de faire entendre la vérité et les souffrances que les conflits engendrent.
Cette réflexion et le poids inhérent à son travail le poursuivent durant tout le film, l’occasion de créer de superbes séquences métaphoriques et oniriques sur l’impact de la guerre, le besoin de vérité et le sens même des actions de notre héros, dans des explosions de couleurs, des pluies de douilles de kalachnikov, qui préfigurent l’issue même du film : “confucao”, la confusion, encore et toujours.
Kapuscinski, inspiré par la guérillero Carlotta, laissera derrière lui un compagnon journaliste pour s’enfoncer dans les limites du territoire Angolais à la recherche du commandant Farrusco, qui tient un avant-poste crucial dans le conflit. Ce voyage au cœur des ténèbres de l’âme brûlée par le soleil africain, où le mauvais vocabulaire employé pour donner le salut à un checkpoint peut vous valoir la mort, est un fil rouge très efficace.
Le journaliste Polonais finit par prendre lui-même part à l’affrontement et retient une information cruciale pour laisser le temps à Cuba d’intervenir dans le conflit Angolais et éviter que le Mouvement populaire de libération de l’Angola ne soit écrasé par la faction adverse, le FNLA, pour une guerre civile qui durera encore jusqu’en 2002.
On peut toutefois regarder avec une certaine mesure l’ampleur du rôle de Kapuscinski au sein du film, puisqu’il passe plus souvent dans les bottes du héros que dans celui du témoin des événements, ce qui peut laisser quelques doutes quant aux moyens de sa représentation, peut-être un peu trop versée dans l’héroïsme que dans le journalisme.