Critique – Violet Evergarden


Aujourd’hui, et avec pas mal de retard je vous le concède, je vais vous parler de Violet Evergarden. L’animé Netflix 2018 qui a ravi les « shojo girls » de notre nouvelle génération, mais pas que. Oh non. Oui, il s’agit toujours d’amour. De l’amour et des sentiments aussi grands et tristes que la vie en temps de guerre.

Violet Evergarden (site officiel de l’animé) est réalisé et produit par le studio Kyoto Animation avec à la barre Taichi Ishidata et Reiko Yoshida. Il est basé sur le light novel de Kana Akatsuki et Akiko Takase publié en 2015 (et récompensé par le grand prix de la catégorie des romans de la 5e édition du Kyoto Animation Award en 2014). L’animé se compose à ce jour de 14 épisodes diffusés sur Netflix entre janvier et avril 2018. Il s’agit d’un drame sur fond d’univers steampunk.

Après 4 ans de Guerre entre Ledeinschaftfrei et l’Empire Gardarik, Violet est une jeune fille élevée à faire la guerre. Quand celle-ci s’arrête, elle est prise en charge par Claudia un ancien militaire. Elle intègre la Compagnie des Postes, très populaire formées des « poupées de souvenirs automatiques », sororité d’écrivaines publiques chargées de rédiger des correspondances de toutes sortes, et de transcrire les émotions réelles de ses commanditaires. Violet pense trouver au sein de cette organisation le moyen de répondre à ses questions. Armée de ses bras mécaniques et d’une volonté d’acier [insérez ici une métaphore filée de fer rouge], Violet parviendra-t-elle à comprendre le sens des mots « Je t’aime » ?

(Pardon d’avance, c’est difficile de trouver des vidéos promotionnelles accessibles et traduites…)

Violet, ton nom sera Violet.

Violet est une fille trouvée et élevée comme une machine de guerre. Obéissante et dénuée d’expressions, c’est le Major Gilbert qui reçoit l’ordre de l’utiliser dans son service, désireux de la délivrer de sa condition il commencera par lui donner un prénom, celle d’une fleur poussant au pied du bâtiment de l’armée. Une violette. Une relation complice et honnête se noue entre Gilbert Bougainvillier et Violet. Elle perd ses deux bras durant le conflit, rajoutant à sa facette de jeune femme froide et antipathique une esthétique de robot, de poupée sans souvenirs, sans histoire, sans émotions.

Quand le Major disparaît et que la guerre prend fin, elle est confiée à la famille Evergarden. Violet ne se sent pas à sa place et cherche à trouver un sens aux derniers mots de son Major, et au delà, d’un sens à sa vie. Claudia, un ancien militaire et ami du Major, l’intègre au service des postes chargées de transcrire et reconstruire les émotions des habitants meurtris par la guerre.

Ses voyages, sa formation nous permet d’en apprendre plus sur ce monde et ses conflits tout aussi absurdes et cruels. Chaque épisode est l’histoire d’un personnage du monde touché de près ou de loin par les enjeux de la guerre, dans cet interstice de cessez-le-feu ; Les parents d’un soldat, un frère et sa sœur appauvris par les conflits, un mariage arrangé entre deux habitants des deux pays….

Des tranches de vies, tachetés des souvenirs de Violet et de sa volonté d’intégrer, de comprendre les rapports ambigus et silencieux des sentiments de chaque protagoniste qu’elle rencontre.

Les Poupées de Souvenirs Automatiques ou La Métaphore d’une Société Brisée

Elles ont un lien social qui répare par les mots, les textes et les correspondances les blessures émotionnelles et matérielles dues à la guerre. Dans ce monde, les gens ne sont pas présentés comme analphabètes ou illettrés, mais plutôt comme incapables d’écrire et d’exprimer ce qu’ils ressentent. Paralysés dans des non-dits et des silences qui empêchent la réalité de leurs émotions et de leur volonté de s’exprimer.

Ce service de rédaction et de poste permet de restructurer les liens familiaux, les liens affectifs et de recréer de la confiance et de la narration, de réinventer l’évasion d’une émotion et son sens profond. L’épisode du dramaturge qui ne peut plus écrire est le premier des voyages qu’entreprend Violet et illustre je pense le plus profondément la volonté de l’animé : de rappeler la beauté d’une émotion, par les mots.

Violet est incapable d’analyser les sentiments et les expressions. C’est en les écrivant qu’elle finit par mieux les lire, et les comprendre.

Ce que j’ai pensé de Violet Evergarden

J’ai d’abord été rebutée par le rythme lent de l’animé, c’est au 3e épisode que j’ai fini par m’attacher à l’ensemble des personnages, et surtout aux enjeux de l’histoire. Avec le recul, je pense même que cette difficulté d’entrée en matière est à l’image de la difficulté du personnage de Violet d’appréhender le monde qui l’entoure. La bande originale est tendre, l’animation très fluide, l’esthétique très coloré malgré une action en demi-teinte. Certains épisodes sont plus brutaux que les autres, sans jamais être violents. On passe du calme d’une ville silencieuse à une émotion brusque surgissant des habitants, du passé de Violet. L’évolution de Violet est émouvante. Et mon évolution en tant que spectatrice m’a semblé être la même. D’une émotion aseptisée à la tristesse tragique.

La thématique est assez originale, de mon point de vue, et je pense que c’est la force de cet animé. Traiter de l’émotion intelligible par des codes cachés ou secrets que révèlent l’écoute et l’écriture. Tout comme nous le ferions avec des fleurs (thématique assez claire de l’animé par le choix des noms des personnages, Violet Evergarden, Gilbert Bougainvillier, Iris Cannary, Benedict Blue, Cattleya Baudelaire – et ses fleurs du mal – etc…).

Amateur.rices des mots et des émotions, je vous le conseille !

Un long-métrage ?

On attendait des news de l’animé, et c’est le compte Twitter de l’animé qui nous annonce une sortie mondiale d’un long-métrage pour janvier 2020 ! Vraisemblablement, il s’agira d’une intrigue inédite et non d’une simple adaptation… A suivre !


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