Critique – Alerte Rouge


Après le saisissant et gourmand court-métrage Bao, Domee Shi est de retour aux commandes de son premier long métrage, Alerte Rouge.

Les aventures de Meilin Lee, une jeune adolescente de 13 ans, pleine d’assurance, mais tiraillée entre son image de petite fille modèle aux yeux de sa mère hyper protectrice et le chaos de l’adolescence. Et comme si tous les changements qui s’opèrent en elle ne suffisaient pas, chaque fois qu’elle est débordée par ses émotions – ce qui, pour une ado, arrive quasiment tout le temps – elle se transforme en panda roux géant !

Alerte Rouge embrasse totalement le côté bizarre et gentiment idiot de ses protagonistes par leurs attitudes et la sincérité de leurs relations. Mei est la bonne élève qui ne demande qu’à se dérider, Miriam l’amie fidèle et détendue, Priya rêve d’être un vampire, et enfin Abby se révèle être une pépite rose qui veut voir le monde brûler (Cherchez pas, elle est ma favorite). Cette vibrance adolescente se retrouve dans leurs postures et leurs expressions et je me suis délectée de leurs réactions, croisement entre une sensibilité Schultz (Snoopy et les Peanuts) et Rumiko Takahashi (Ranma 1/2) poussée à l’extrême.

Mei et ses amies vivent dans une ville de Toronto pourvue d’une esthétique pastel et très identifiable. Des rues du quartiers chinois à la supérette tenue par Devon, on découvre une incarnation propre à l’univers des tranches de vie du cinéma japonais et des mangas. Le clin d’œil à Bart et Lisa pour les pandas roux du temple est vraiment satisfaisant.

La mixtape de l’adolescence inonde nos oreilles de spectateurs par le biais du boys band 4 Town, libre inspiration de NSYNC et des Backstreets Boys, où rayonne Jesse et Robaire (qui parle français). Avec des exemples comme The Lonely Island et les Sev’ral Timez de la série Souvenirs de Gravity Falls, la pop culture américaine a déjà digéré l’existence des boys band dans son histoire musicale. Le film fait le choix de la sincérité par les titres qui sont une représentation des liens affectifs des protagonistes. Nobody like U, qui s’inscrit dans l’héritage de We’ve got it Goin on des Backstreet Boys, restera coincé dans votre tête pour TOUJOURS. Les mélodies, composées par Ludwig Göransson (Creed, Tenet), font le contre-point émotionnel à la folie adolescente des boys band et soutiennent la richesse de l’héritage familial de Mei.

Dans la lignée du court métrage Bao, la nourriture s’inscrit de façon naturelle et tactile dans le cercle familial. Jin, le père, se donne à fond dans la confection du repas où la texture farineuse des ravioles briochés, la brillance de la salade et les petites sauces donnent l’eau à la bouche. Les inspirations culinaires tels que Sucré salé de Ang Lee s’en ressentent d’autant plus.

Le film embrasse les changements adolescents dans sa métaphore transformative du panda roux et dans la citation directe par la présence des serviettes hygiénique. La thématique des règles, dans le cadre du pur mainstream qu’est Disney Pixar, permet d’ouvrir un dialogue intergénérationnel sur le sujet et de le normaliser dans la vie quotidienne. Il ne faut pas cependant pas oublier que le nerf que l’histoire se situe dans la relation fragile entre Mei et sa mère.

Cette relation mère-fille se révèle en effet plus douloureuse et complexe. Soucieuse de plaire à sa mère, Mei s’inflige une rigueur scolaire et laisse le contrôle à Ming, quitte à mettre ses précieuses amies dans la balance. Gothel était la dernière figure maternelle violente dans son exploitation de la jeunesse de Raiponce.

Dans sa déclinaison d’ainée contrôlante, Ming cherche à faire rentrer Mei dans le carcan lisse de la petite fille modèle, un héritage autant fait d’angoisses personnelles que de conformation familiale. L’explosion adolescente du panda roux contrebalance la frustration accumulée dans ce dialogue difficile et tumultueux, renforcée ultérieurement par la présence des tantes et de la grand-mère de Mei.

Alerte Rouge arrive à toucher la corde sensible de la relation mère-fille et parvient à être par moments crève-cœur, tout en restant mobilisant les séquences aux mini-enjeux ludiques, ce qui produit une efficacité narrative bienvenue. Domee Shi réussit donc là où Enrico Casarosa et son Luca avaient peiné à déployer un message singificatif avec la même méthode de narration.

J’aurais évidemment adoré découvrir le film salles, mais en l’état, je vous recommande ce premier long métrage de Domee Shi. On peut espérer que la réalisatrice et son équipe se retrouvent rapidement sur des projets ambitieux.

Alerte Rouge, réalisé par Domee Shi, est disponible depuis le 11 mars sur Disney Plus.


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