Critique – Capitaine Superslip


DreamWorks Animation continue dans la veine de la comédie avec Capitaine Superslip, l’adaptation d’une série de romans aux histoires « stupidifiantes » écrites par Dav Pilkey. Ce sont nos amis de chez Mikros qui se sont chargés de l’animation du film pour DreamWorks, sous l’égide du réalisateur David Soren. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le film est barré !

Georges Glousse et Harold Golade, deux copains de CM1 à l’imagination fertile, créent une BD qui raconte l’histoire d’un super-héros un peu barré, le Capitaine Superslip ! Un jour, alors que M. Chonchon, leur proviseur hargneux, menace de les séparer en les plaçant dans deux classes différentes, ils l’hypnotisent et le transforment en… Capitaine Superslip !

Après les succès critiques relatifs des films Les Trolls (dont je ne suis toujours pas parfaitement remise) et Baby Boss (que j’ai davantage apprécié), Capitaine Superslip ne semble pas emballer les foules. Pour certains, il s’agit du nouvel échelon d’une série noire, d’un déclin qui toucherait DreamWorks Animation depuis la sortie de Dragons 2 en 2014, dernier diamant estimé du studio. On croirait retrouver les fans de Disney qui dénigraient les films des années 2000 et ne semblent avoir retrouvé le bonheur que depuis qu’ils ont été hypnotisés à coup de « Libérée, Délivrée » dans le ciboulot. Ceux-là même qui ont encore fait une ellipse autour de l’excellent Les nouveaux héros, parfois même sur Zootopie, pour se jeter dans l’océan en criant de joie « Je suis Vaianaaaaaaaaaaaa ». Parce que, c’est bien connu, un bon Disney c’est magie + princesse et un bon DreamWorks c’est aventure + épique. Il ne faudrait pas confondre les territoires…

Alors avec son character-design très cartoony et l’humour concon mis en avant dans les bandes annonces, je crois qu’on a perdu une bonne partie des spectateurs potentiels, trop prompts à juger le contenu du film et à s’en servir comme preuve du bien-fondé de leur mécontentement. Moi aussi j’attends Dragons 3 avec impatience. Moi aussi je trouve que les productions du studio sont globalement inégales. Moi aussi je préfère une grande aventure qu’une pure comédie. Et pourtant, j’ai donné sa chance à Capitaine Superslip. J’ai été convaincue dès les premières secondes, où le logo s’affiche avec en fond sonore le thème musical de DreamWorks… fredonné avec entrain par les personnages ! J’ai tellement ri que j’encourage tous mes proches, en manque d’humour après la sortie de Grand méchant renard, à filer voir le film au cinéma.

Capitaine Superslip, c’est un concentré d’humour potache. Un mélange de blagues bien pensées, de comique de situation, d’absurde et de grand n’importe quoi. Dès le début, Georges et Harold brisent le 4e mur et s’adressent directement au spectateur en racontant leur propre histoire, agrémentée de commentaires souvent hilarants. Une astuce qui permet aussi de donner un bon rythme au film, tout en revenant régulièrement vers les Georges et Harold du présent, avant que l’histoire ne rattrape son propre cours pour le dénouement, inconnu cette fois du spectateur comme des protagonistes .

Un dénouement qui implique un savant fou et un méchant toilette géant lanceur de rouleaux de papier toilette… Remarque, si vous vous souvenez des toilettes de votre école comme je me souviens des miens, rien d’étonnant à ce que l’imagination fertile de deux jeunes garçons en fasse des monstres de film d’horreur ! Georges et Harold sont exactement comme vous et votre meilleur.e ami.e quand vous aviez leur âge : inséparables, plein d’énergie, dans leur propre monde, le bagou et la pitrerie en plus. Ils ont tout d’un Denis la malice, autre personnage d’enfant farceur adapté d’un format papier, et ne se privent pas de faire des blagues qui ne sont pas toujours au goût de leur entourage…

Ni au goût des spectateurs ! Si j’ai pleuré de rire devant la chorale de coussins péteurs qui reprend un air de musique classique, je dois dire que l’insistance sur l’hilarité du nom du professeur Poopypants (« Croteaufaisse » dans la langue de Molière) m’a agacé. C’est pourtant un reflet tout à fait juste de ce qui fait rire un enfant de 11 ans pendant des semaines, au détriment d’un autre, qui lui en gardera des traces toute sa vie. C’est pourquoi j’ai beaucoup apprécié la réflexion menée autour de l’humour et de l’impact qu’il peut avoir sur les autres quand il est mal utilisé. Ce n’est pas particulièrement subtil, mais c’est ce qui permettra peut-être à des gamins moqueurs de réfléchir un peu et de se tourner vers une autre forme d’humour. Aux parents de les guider ensuite !

Ces derniers ne seront pas en reste, puisque le film est loin de n’être qu’une comédie à l’humour pipi caca. On y trouve aussi des passages délicieusement débiles à la Mr. Bean ou encore un délire à base de chaussettes façon Muppets ! Je retiens tout particulièrement la scène où, officiellement séparés dans des classes différentes, Harold et Georges ne voient plus l’école que comme un pénitencier sans couleurs ni bonheur, où les élèves marchent tous la tête en bas, style zombie-automate. Le tout sur une musique déprimante, et paradoxalement extrêmement drôle. Le film regorge de choses qui donnent envie de dire « putain c’est con » en rigolant, que j’appellerai des conneries intelligentes. Oui oui.

Une autre décision intelligente ? Faire appel à Mikros pour l’animation. Nos compatriotes n’ont rien à envier aux films maison de DreamWorks, et l’avaient déjà prouvé avec Mune et Astérix, le domaine des dieux. Ici, ils ont conservé le chara-design des illustrations de la série de romans : un Capitaine Superslip ovale comme un œuf et deux jeunes garçons à la corpulence de mini-knacki. Tous avec des petits yeux de fouine, et une ribambelle d’expressions basées sur la forme des sourcils et de leur grande bouche. Un style qui colle parfaitement au ton décalé du film et qui n’est pas sans me rappeler la façon d’être de… Jimmy Neutron ! Allez savoir pourquoi.

Il y a un beau travail sur les ambiances, du bureau bleu-qui-tire-sur-le-gris-cellule-de-prison du principal de l’établissement aux couleurs chaudes et vives de la cabane dans l’arbre. Mais ce que j’ai particulièrement aimé, c’est le mélange des genres. A l’animation 3D se mélangent une séquence en stop-motion (celle avec les chaussettes du futur), une séquence style dessin d’enfant colorié au feutre qui présente la BD de nos deux comparses, une seconde effet flip book dessiné à la main, et encore une où deux cerveaux en 2D s’adressent directement l’un à l’autre. Un régal.

Bref, je recommande. Faites moi confiance, et tentez de vous montrer curieux plutôt que méfiants. Capitaine Superslip saura vous faire rire si vous lui en laissez la chance ! D’ailleurs, n’hésitez pas à patienter jusqu’à la scène post-générique pour un dernier rire… En attendant, je n’ai qu’une chose à ajouter : TRALALAAAAAAAAAAAAAAA (private joke que vous ne comprendrez qu’en allant voir le film, oui je suis mesquine).


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