Quatre ans après le premier film, Les Trolls 2 – Tournée mondiale, réalisé par Walt Dohrn, reviennent ambiancer les salles de cinéma à partir du 14 octobre :
Reine Barb, membre de la royauté hard-rock, aidée de son père Roi Thrash, veut détruire tous les autres genres de musique pour laisser le rock régner en maître. Le destin du monde en jeu, Poppy et Branch, accompagnés de leurs amis – Biggie, Chenille, Satin, Cooper et Guy Diamond – partent visiter tous les autres territoires pour unifier les Trolls contre Barb, qui cherche à tous les reléguer au second-plan.
Composer avec ses héroïnes
A la fin des Trolls, notre rose Poppy avait des étoiles plein les yeux et un déferlement de bons sentiments fort sucrés envers le monde des Bergens. Il était difficile d’avoir de l’empathie pour une héroïne aussi lisse et prévisible, mais avec l’élargissement de son univers et sa prise de responsabilité en tant que reine, elle se retrouve confrontée à des dilemmes et aux limites de son optimisme forcené dans les situations les plus dangereusement folles. Le personnage prend enfin de l’épaisseur grâce aux discussions houleuses avec Branche et à la défiance de Reine Barb sur ses réelles ambitions vis-à-vis de la musique. On observe la Reine de la Pop grandir, ce qui est salvateur pour le spectateur ayant déjà survécu au premier film. Passé la surprise du changement du casting vocal français, le timbre plus grave de Vitaa colle à l’évolution et la maturité nouvelle du personnage de Poppy.
En face, on découvre Reine Barb qui est l’incarnation même du métal en tant que cliché : crête rouge, piques de partout et agressivité. Elle possède le pack complet, alors qu’on aurait pu espérer une vision plus moderne de ce courant musical. Comme il parait que le diable est dans les détails, sa relation avec son père Roi Trash se révèle triste et touchante. Aussi, Barb considère Poppy comme une adversaire à sa mesure et aborde frontalement avec elle les véritables enjeux des luttes des courants musicaux. Elle n’est absolument pas dupe face à l’attitude rose bonbon de Poppy. Sous ces couches de cuir, on peut apprécier un personnage pensé et réfléchi sur le monde qui l’entoure.
Look what you made me do
Au-delà de ses personnages féminins forts, l’intrigue se construit autour d’un road trip dans les différentes contrées Trolls : Techno, Country, Classique, Funk… Le groupe Pop menée par Poppy va se confronter et échanger avec les autres trolls musicaux pour tenter une alliance. Le travail sur les décors, toujours dirigé par Kendal Cronkhite-Shaindlin se révèle riche, détaillé et original pour illustrer les différents univers. La country se cache sous le sable d’un désert de couvertures, le classique dégouline d’une esthétique baroque et brillante à souhait, l’électro vit littéralement en sous marin, entouré de bioluminescence et les trolls Funk planent dans une soucoupe discothèque au-dessus des nuages et restent discret mais festifs suite à une blessure historique profonde.
Ce voyage va réveiller les personnalités et les motivations de chacun et contre toute attente, Branche va exprimer son ouverture d’esprit et ses envies mélancoliques en découvrant la musique country et en croisant d’autres courants comme la K-pop ou le Reggaeton, tout aussi délirant et animés que les courants ayant droit à une corde musicale. Poppy quant à elle garde ses réflexes de conquérante de la pop, ce qui va lui être durement reproché. Reine Cool et King Quincy expliquent aux trolls voyageurs que les ancêtres des trolls pop ne s’étaient pas gênés pour s’approprier la corde du funk ainsi que celles des autres tribus pour étendre sa domination musicale. Sans en révéler plus, Poppy file la mauvaise graine laissée par ses ainés et montre un comportement au moins aussi borné que Barb, ce qui aura des conséquences sur leur univers. Avec ce traitement des erreurs du passé, Trolls 2 Tournée Mondiale arrive à soulever et tenir une problématique politique, là où la Reine des Neige 2 s’était pris les pieds dans le tapis sur la même thématique.
On ne peut qu’apprécier de voir Poppy « la parfaite Reine de la pop » se faire bousculer dans ses convictions et dans sa vison sucrée du monde. Le film évoque sans détour la domination culturelle de la pop de par son assimilation dévorante des autres courant musicaux ainsi que leur invisibilisation subséquente. Cette remise en question pop culturelle m’a surprise et je n’ai pas été déçue, car c’est digne d’un bon divertissement. Le travail d’orchestration de Theodore Shapiro rythmé avec les standards musicaux porte parfaitement le propos de façon significative, et pour faciliter l’accessibilité certaines chansons ont été traduites en français.
Animators just want to have fun
L’animation 3D s’est clairement améliorée entre les deux films, notamment par la décision d’évacuer le flou de mouvement, ce qui renforce les textures et la dimension immersive des scènes de concerts. Les objets popent dans les mains des Trolls musiciens, accentuant la lisibilité de l’action. L’animateur Nick Kondo avait soulevé ce point dans un tweet où l’on voit l’action décomposée de l’apparition d’un médiator dans un claquement de doigts chez le groupe de rock. Ce choix esthétique permet une mise en valeur des actions aussi dans la profondeur de champ, et ainsi d’exploiter les innombrables textures et lumières des décors dans leur intégralité, rapprochant la 3D des méthodes de mise en scène de la stop motion.
Paradoxalement, le flou de mouvement actuellement utilisé en stop motion pour se rapprocher d’un ressenti proche de la 3D, ce que le studio Laika ne se prive pas de faire. Dans Kubo et l’armure magique, cette méthode a été appliquée sur les bouches des personnages, ce qui parait antinomique par rapport à une technique très vendue sur sa touche artisanale. La film ne semblait alors pas sur quel pied danser, entre décors et costumes possédant une sensibilité réelle et des expressions de personnages paraissant détachées du reste de l’univers graphique. Après un premier opus décevant, Trolls 2 Tournée Mondiale revient de loin et arrive à atteindre son but avec pertinence. Le film arrive à aborder l’histoire des courants musicaux tout étant à la fun et épique dans sa réflexion pop culturelle. Si vous avez envie de quitter un moment la grisaille automnale, je vous le recommande pleinement pour une sortie familiale. https://www.youtube.com/watch?v=CKi0j3-bFq4