Critique – Nous, les chiens


Véritable outsider lors du dernier festival d’Annecy (ce qui est cocasse pour un film titré Underdogs en coréen), Nous,les chiens avait fait face à une dure concurrence dans la toute première sélection Contrechamp, qui regroupait notamment Away, Les enfants de la mer ou encore Zéro Impunity. Cette meutes de chiens errant se retrouve désormais sur nos écrans de cinéma.

Le chien est le meilleur ami de l’homme. Affectueux, fidèle… mais lorsqu’il vieillit ou se comporte mal, il est parfois abandonné comme un mouchoir souillé. Et lorsqu’il se retrouve seul face à la nature, l’instinct animal et l’esprit de meute reprennent le dessus. Solidaire, déterminée, notre petite bande de chiens errants va peu à peu réapprendre à se débrouiller seule. Et découvrir la liberté, au cours d’un extraordinaire voyage.

On connaissait l’honnêteté brutale du cinéma coréen avec les différentes vagues de ces dernières années, depuis Park Chan Wook à Hong-jin Na jusqu’à la récente victoire totale de Bong Joon Ho avec Parasite et ce deuxième long-métrage de Sung-yoon Oh et Lee Choonbaek après Lili à la découverte du monde sauvage, ne détourne que peu souvent le regard de la situation terrible de nos héros. La bande de chiens représente ces différents aspects de l’abandon, depuis la résignation du vieux Shih Tzu Jjang-a au déni du jeune Moong-chi qui refuse de laisser derrière lui la balle des maîtres qu’ils l’ont abandonné. De formes et de tailles différentes, le groupe fluctue dans sa composition au fur et à mesure de l’aventure et des multiples accidents dont ils sont les victimes.

Car nous ne sommes pas ici dans une simple intrigue comme l’incroyable voyage où les animaux doivent retrouver un foyer car abandonné par mégarde. C’est ici une quête de terre promise qui attends notre groupe, et les dangers sont multiples, depuis la méchanceté des hommes jusqu’au dangers de l’urbanisation galopante, la mise en scène et les décors nous font bien comprendre que ce monde où ils cherchent un semblant d’équilibre n’est pas conçu pour eux. Narrativement, le film ne recule que très peu devant les sacrifices à faire, soustrayant des membres majeurs du groupe et poussant d’autres à grandir dans l’adversité. Cette nature si menaçante dans les récits à l’occidentale est ici un refuge pour les personnages, ce que la direction artistique souligne avec brio au travers de décors somptueux et via la direction artistique de You Seong-Bai qui oscille entre déserts urbains apocalyptiques et des cadres bucoliques, avec quelques gros indices contextuels dans les décors qui permettront aux personnes connaissant la situation politique de la Corée du Sud de deviner vers où se dirigent nos amis. Le travail esthétique réalisé sur le film pour faire des personnages de chiens un mélange entre cartoon et réalisme donne un résultat satisfaisant qui symbolise le compromis du film : c’est un film d’animation mais les personnages ne sont pas des super héros, et leurs capacités physiques ne sont pas gonflées outre mesure, la perte d’un certain réalisme étant l’un des pièges majeurs de ce type de films, ici évité grâce à l’animation des chiens gérée en 3D par Side9.

Sung-yoon Oh et Lee Choonbaek ont préféré tricher sur les animations faciales des animaux, et nous les en remercions vu la teneur dramatique du métrage. De même, certaines idées de mise en scène sont très bien utilisées comme le fait que Moong-chi ne se mette à parler que plus tardivement, ou encore une spatialisation toujours très claire dans les nombreuses poursuites, ce qui a pour effet de ne jamais les rendre ennuyeuses. Une seule chanson siège au sein du film, ouvrant le troisième acte du film et les dernière épreuves que doivent affronter le groupe mené par Moong-chi et ce n’est pas peu dire qu’elle est la bienvenue, nous montrant enfin des humains ayant de la compassion avant le grand saut dans l’inconnu et une ultime confrontation. Il faut d’ailleurs souligner le très bon travail de la version française dirigée par Alexis Flamant et du casting composé de Claire Tefnin, Pierre Lebec, Pierre Lognay et Patrick Waleffe car il aurait été tentant, comme cela se fait régulièrement, d’utiliser le doublage français pour atténuer la force du film. A réserver au plus de dix ans et à voir en famille, Nous, les chiens est un plaidoyer nécessaire et difficile sur la condition animales de nos compagnons, un bel argument contre l’élevage des animaux et pour l’adoption en refuge qui nous rappelle que les animaux ne sont pas des jouets, et qu’un chien n’est pas cassé, il a juste vécu. Nous, les chiens sortira sur les écrans à la réouverture des salles françaises.



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