Critique – Oni : Légendes du tonnerre


Disponible sur Netflix depuis le 21 octobre, la mini série Oni : Légendes du tonnerre, créée par Dice Tsutumi et produite par Tonko House, se révèle dans une structure en quatre temps pour éclairer vos vacances de la Toussaint :

Dans l’univers peuplé de dieux et de monstres excentriques de la mythologie japonaise, Onari, la fille libre d’esprit de l’une de ces créatures, est déterminée à suivre les pas des plus grands héros, mais ses pouvoirs uniques restent un mystère. A-t-elle la carrure suffisante pour protéger son village paisible de la présence inquiétante des mystérieux Oni qui menacent les dieux ?

La série se compose de quatre actes d’une quarantaine de minutes autour de la définition de Oni selon que l’on se place du point de vue des kami ou des humains tout en explorant toutes les nuances émotionnelles de la jeune héroïne Onari et de son père Naridon. Les deux premiers segments « Le kushi d’Onari » et « Les puissants dieux de l’orage » posent les enjeux pour Onari qui se montre déterminée à trouver son kushi pour vaincre l’ennemi et aussi pour ressembler à Naridon, réputé pour être le dieu de l’orage. On y découvre le magnifique environnement naturel de la forêt de Yukushima où prend place son foyer, placé sous un énorme rocher et aussi son école où elle côtoie d’attachant camarades. Il ne fait pas de doute que Kappa nous a fait fondre avec sa sensibilité et sa maladresse.

Onari se retrouve en proie à des questions sur son identité et sa place dans le monde des kami avec pour seul indice la poupée laissée par sa mère. Elle n’en est pas moins impétueuse et déterminée à se battre, son énergie communicative se propage au travers de l’écran. La rivalité avec Amaten, fille de Mr Tengu, apporte une tension au sein même de l’école mais trouve une résolution réjouissante pour les deux combattantes.

La légende des Oni est introduite par le biais du professeur Mr. Tengu et Oncle Putaro, dieu du vent, qui voyage de village en village avec son théâtre mobile. Cette mythologie à l’esthétique d’estampe traditionnelle permet d’amener la notion d’étrangeté et d’inconnu pour le village isolé des kami. La menace est marquée symboliquement par le pont à ne pas franchir ainsi que par un nuage noir aux yeux rouge perçants.

Cette étrangeté se déploie plus en profondeur dans le dyptique final « La vérité » et « La lune des démons se lève » avec la place que prend l’humanité dans cet écrin préservé du monde. Dans son aventure, Onari va rencontrer Calvin, un jeune garçon métisse qui va lui partager son expérience de sa nouvelle vie au Japon. Ces échanges amènent le mot « gaijin », qui signifie personne de l’extérieur pour les japonais et aborde le statut des personnes métisses aux yeux du peuple japonais, tout comme cette crainte de l’extérieur et de l’étranger qu’éprouvent les kami, très représentative du sentiment dominant dans le pays.

Entre légende et sémiologie, la construction autour de l’identité d’Onari avance par étape et lui donne les moyens de prendre en main sa propre histoire. Dans son ensemble, l’humanité reste dans les marges sans pour autant minimiser son impact sur la nature. Il est salutaire de voir que le message écologique ne pollue pas les enjeux personnels de la protagoniste dans sa quête intérieure. On peut rapprocher ce traitement tout en retenue de la cause environnementale de l’œuvre de Miyazaki et de son film Ponyo sur la falaise en particulier (pour une fois qu’on se permet de le citer !)

A l’origine pensée pour être en stop motion, Oni : Légendes du tonnerre parvient à mêler le posing saccadé de l’image par image à des textures fines et feutrée de l’univers des kami grâce au travail fait par Marza Animation Planet et Megalis VFX, main dans la main avec le studio d’animation image par image Dwarf (Rilakkuma et Kaoru, Mogu & Perol), qui a déblayé cette proposition esthétique en préproduction. Les décors naturels sont baignés par des lumières changeantes suspendant les différents instants de la journée. La bande originale composée par le duo Pep Magic fait résonner les percussions à la chamade et inspire à la ré-écoute intempestive dès le visionnage de cette mini-série achevé.

Oni : Légendes du tonnerre propose au public de combattre la xénophobie avec des outils ludiques et un imaginaire coloré, et parle sans fard des attentes des ainés tout en proposant d’autres voies dans les résolutions narratives que celles qui sont biberonnées dans des œuvres plus mainstream. La durée d’une quarantaine de minutes par acte permet d’apporter ces sujets à un public très jeune sans que celui-ci ne cède à l’ennui. Profitez donc de la disponibilité de cette série sur Netflix pour la faire découvrir au plus grand nombre (ami.es et famille), vous ne serez pas déçus !



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