Critique – Summer Wars


Avec la sortie de Mirai, c’est l’occasion de revenir sur les œuvres de Mamoru Hosoda. Aujourd’hui, Summer Wars !

Bienvenue dans le monde de OZ : la plateforme communautaire d’Internet. En se connectant depuis un ordinateur, un téléviseur, sa télévision ou un téléphone, des millions d’avatars alimentent le plus grand réseau social en ligne pour une nouvelle vie, hors des limites de la réalité… Kenji, un lycéen surdoué en mathématiques effectue un job d’été pour la maintenance d’OZ. C’est alors que Natsuki, la fille de ses rêves, lui propose de l’accompagner à Nagano, dans sa famille. C’est la fête traditionnelle du clan Jinnouchi et Natsuki lui demande de se faire passer pour son « fiancé ». La nuit suivante, un virus attaque la plateforme de OZ, détraquant le système et s’emparant des comptes des utilisateurs. C’est une véritable guerre entre monde virtuel et monde réel qui s’enclenche…

Sorti l’été 2009 au Japon et en Juin 2010 dans les salles françaises grâce à Eurozoom. Summer Wars a reçu le prix 2010 de la Japan Academy Award pour le meilleur film d’animation. Il était à la sélection officielle d’Annecy 2010 et du Festival International du Film de Locarno en 2009. On retrouve au scénario Satoko Okudera(La Traversée du Temps et Les Enfants loups, Ame et Yuki), et pour la bande originale Akihiko Matsumoto.

Le design d’OZ

Oz est comme un aéroport en ébullition, image commune pour décrire les accès url, entre la gare, l’autoroute… Une foule perpétuellement en mouvement. Un réseau vivant de communication. Car c’est la valeur N°1 d’OZ : Communiquer. Le temps est autre et tout va plus vite. On y retrouve même un certain design des flux circulaires de La Traversée du temps ou même encore du traitement d’Internet dans Ralph 2.0. Les avatars sont les habitants de ce monde, on peut être qui on veut, où l’on veut. Plus aucune frontière ni limite. C’est la libération des envies et l’émancipation des engagements. Le personnage de King Kazma/Kazuma est le porteur principal du rêve que l’on peut être toujours plus que ce que l’on voudrait être dans la réalité.

Summer Wars

OZ est donc, au départ, très à l’opposée de la pression sociétale que semble subir IRL Natsuki et Kenji. Celle de la famille avec qui on ne parvient pas à communiquer, pour elle. Et celle de la peur, donc du mensonge, pour lui. En ce qui concerne le virus, l’IA « Love Machine », il y a plusieurs clés d’entrée possibles : l’amour et la mort sont toujours très liés dans les symboliques littéraires et artistiques. L’IA absorbe l’autre pour mieux grandir, ce qui est souvent le propre de l’union d’un couple ou d’une famille. Dans le cas d’un clan ancestral qui ne cesse de croître et de s’entraider l’amalgame, certain, est attendu.

Le Clan Jinnouchi

Comme Kenji, nous rencontrons le clan Jinnouchi pour le 90ème anniversaire de sa cheffe et doyenne. C’est l’occasion de découvrir une famille extrêmement nombreuse et aux valeurs matriarcales. Dans l’Histoire du Japon, Le clan fut puissant jusqu’à ce que le grand-père de Natsuki dépense l’ensemble de sa fortune. Il est aussi connu pour un fait d’armes lors d’une grande bataille souvent rappelée dans l’animé, elle porte le surnom de la guerre de l’été qui donne le ton pour le titre du film. Elle narre le courage d’une poignée du clan Jinnouchi contre des dizaines de milliers…. Ce qui est, évidemment la clé de voûte de l’intrigue.

Summer Wars

Le Clan Jinnouchi est animé par l’Honneur et le Devoir, ce qu’incarne la doyenne Sakae Jinnouchi, qui tient d’une main de fer les membres de sa famille ainsi que le réseau qu’elle a accumulé au fil de ses carrières. Elle l’incarne d’autant plus profondément au travers de sa relation avec Wabisuke, enfant illégitime de son mari, qu’elle traite avec grande sévérité mais pas moins d’un grand amour maternel. Le repas est le moment le plus sacré pour elle, car la famine est « la pire chose qu’il peut arriver à une personne » raconte-t-elle. Que ce soit Natsuki, Kazuma, Wabisuke et même Kenji, cette même génération est animée par le désir de faire ses preuves, d’exister et de trouver sa place au sein d’une famille, ou d’une société. Une valeur fondamentale du Japon que l’on voit se dessiner ici sous la forme d’affrontements virtuels. Rappelons que le Japon est un pilier de l’avancée technologique au monde.

Le Réseau IRL / URL

Summer Wars c’est donc une histoire d’honneur, de responsabilité collective, d’une guerre sur un autre mode/monde. C’est surtout l’histoire d’une opposition qui habite le Japon : Celui du monde rural, ancestral ayant en face celui de la ville, de la technologie moderne. Et de comment cette opposition va trouver une réconciliation au travers de sa plus jeune génération. Il y a d’abord ce que représente Sakae Jinnouchi contre Love Machine. Son important réseau social, qu’elle a accumulé au prix du respect et du travail. Qu’elle a maintenu, qu’elle a mérité dirait-on. Et sa force de persuasion, sa conviction qu’il faut communiquer, se soutenir et se rappeler de valeurs familiales d’entraide jusque dans les plus hautes sphères politiques. Elle devient un anti-virus (matérialisé par l’emblème de la famille qui s’érige dans OZ devant Love Machine) aussi efficace par ses paroles, son téléphone fixe et son carnet d’adresses froissé. C’est au départ la revanche d’une campagne reculée contre la ville moderne ensevelie sous les informations. Cette vision conservatrice est bientôt renversée par la même volonté qui anime Kenji, une personne peu grandiloquente dont la famille est peu liée. Ce qui ne l’empêche pas de vouloir sauver, par ses propres outils mathématiques, sa ville et ses ami.e.s. L’illustration ultime de la réconciliation de ces deux mondes qui ne se comprenaient que de loin se trouve dans la scène finale, durant le jeu d’Hanafuda que toute la famille maîtrise depuis des années et qui devient l’arme virtuelle par laquelle Natsuki va détrôner de son pouvoir Love Machine. On trouve une belle scénographie symbolique des avatars de la famille, en parallèle de la famille dans le salon, unie devant les écrans. Là où, au départ, le jeu était caché et isolé dans une partie de la maison, à l’image de Kazuma recluse dans sa chambre.

Pour nos regards habitués des années 2010, on y verra du Sword Art Online (qui traite du sentiment de réalité dans le virtuel), du Second Life (le premier jeu en ligne où l’on pouvait créer un business et gagner de l’argent, avant le bitcoin), du Ralph 2.0 (sur l’arborescence d’Internet dans toutes les sphères du réel) et même du Code Lyoko (où le virtuel règle/combat les problèmes de la réalité). Pour nos esprits ultra-connectés où Facebook et Twitter régissent nos interactions et nos actualités, où Amazon a changé notre manière de consommer… L’animé peut sembler dépassé. Et pourtant, il ne vieillit pas et semble être un pionnier de l’anticipation de la codépendance entre la vraie vie et la vie online.

Son message principal de solidarité et d’engagement reste intact et continue de toucher à l’ensemble des valeurs primordiales de la réalité comme celles du virtuel. https://www.youtube.com/watch?v=dYUzSqBEH2Y


A lire dans le même genre

Dernières publications

  • Critique Annecy 2024 – The Colors Within

    Critique Annecy 2024 – The Colors Within

    Passé par le festival d’Annecy, The Colors Within, réalisé par Naoko Yamada et produit par Science Saru, a fait forte impression. Laissez-moi vous livrer mon ressenti sur ce long métrage tant attendu : Totsuko est une lycéenne capable de voir les « couleurs » des autres. Bonheur, excitation, sérénité, et bien plus encore, se révèlent…

  • Plongez dans les premières images de l’anime « L’Atelier des sorciers »

    Plongez dans les premières images de l’anime « L’Atelier des sorciers »

    On l’attendait d’une impatience mêlée d’inquiétude, et voici donc les premières informations et une bande-annonce pour l’adaptation animée de L’Atelier des sorciers, l’un des meilleurs manga actuels, dévoilés durant un panel de l’Anime Expo. Coco, une jeune fille qui n’est pas née sorcière mais qui est passionnée par la magie depuis son enfance et travaillant…

  • Une nouvelle bande annonce pour « Anzu, chat-fantôme »

    Une nouvelle bande annonce pour « Anzu, chat-fantôme »

    Après un passage à la Quinzaine de Cannes et au festival d’Annecy, Anzu, chat-fantôme, réalisé par Yoko Kuno et Nobuhiro Yamashita, se dévoile dans une nouvelle bande annonce : Karin, 11 ans, est abandonnée par son père chez son grand-père, le moine d’une petite ville de la province japonaise. Celui-ci demande à Anzu, son chat-fantôme…