Depuis l’été de l’année dernière, je guettais du coin de l’œil Hidari, un projet de long-métrage en stop motion réalisé par Masashi Kawamura et sa compagnie Whatever co. en collaboration avec les incontournables studios de stop-motion que sont Dwarf Inc. (Les deux séries Rilakkuma, Mogu & Perol) et Tecarat (Le petit renard Gon).
Hidari est un drame historique japonais unique qui utilise des marionnettes de stop-motion en bois sculpté pour représenter son personnage principal, Jingoro Hidari, un sculpteur probablement fictif qui aurait travaillé sur le chat endormi du sanctuaire Nikko Toshogu, et a pour ambition d’être à la fois un film d’art et un film d’action.
Avec comme point de départ l’histoire fictive de cet artiste gaucher, Kawamura a imaginé un univers graphique inédit qui mélange le film de samouraï et une mise en scène dynamique très inspirée par la japanimation, dans lequel son héros, Jingoro Hidari, accompagné par son chat, est en quête de vengeance après avoir été trahi par ses collègues lors d’une machination politique lors de la rénovation du Château d’Edo, s’étant retrouvé victime d’un accident qui lui a fait perdre son bras droit.
Hidari rejoint donc les héros manchots de films de sabre, mais avec un twist qui fait toute la différence : Le sculpteur s’est construit un bras mécanique pour l’aider dans cette vengeance, et transporte avec lui son chat dormant sur un cabinet de menuiserie qui recèle bien des surprises que vous pourrez découvrir dans le pilote, plus bas dans cet article.
La collaboration avec les studios que sont Dwarf inc. et Tecarat est tout à fait naturelle : entre la volonté esthétique de mettre en scène des marionnettes sculptées en bois et l’approche très japanime de la mise en scène, qui rend autant hommage aux classiques du film de sabre qu’à des œuvres plus modernes, la violence graphique passe par ces éclats de bois et de la sciure pour représenter le sang des ennemis qui finissent en pièces détachées. Reste à signaler l’un des aspects brillant de la mise en scène du pilote : la présence de dé cors nappé d’une obscurité profonde, créant un espace négatif qui renforce les mouvements de caméra renversant consacrés à l’action.
Ce pilote, né d’un financement participatif au Japon via la plateforme Motion Gallery, va permettre d’accroitre la visibilité du projet de Masashi Kawamura et de trouver de nouveaux soutiens et partenaires sur la route pour faire de Hidari un long-métrage en stop motion.
Trois questions à Masashi Kawamura
Habituellement, Masashi Kawamura travaille comme directeur créatif chez Whatever Co. qu’il a cofondé en 2019, où il a créé un large éventail de projets, y compris des campagnes de marque, des vidéoclips, des installations numériques… ce qui lui a valu plus d’une centaine de prix et nominations à travers le monde.
Muriel : L’idée de faire du design du personnage sculpté dans du bois était-elle une évidence ou quelque chose qui s’est présenté plus tard dans votre processus de création, comme par exemple lorsque vous avez contacté le studio Tecarat ?
Masashi Kawamura : Je travaille normalement en tant que directeur créatif pour ma propre entreprise, Whatever Co., créant des choses comme des clips vidéo et des publicités télévisées. Cependant, en tant qu’enfant qui a été élevé en regardant des films de Ray Harryhausen, Kihachiro Kawamoto et Phil Tippett (Mad God, sortant en France le 26 avril 2023), j’ai toujours rêvé de créer un jour un long-métrage d’animation en stop-motion. Et cette idée d’un « film de samouraï en stop-motion » était quelque chose que je concoctais depuis des années, mais je n’avais jamais eu l’occasion de vraiment réfléchir à la façon d’en faire une réalité.
Puis un jour, Dwarf Inc (avec qui j’ai déjà travaillé sur plusieurs projets) m’a contacté pour proposer une idée et un script pour un contenu original à créer ensemble. C’est alors que j’ai eu l’idée de faire un film en stop motion basé sur l’histoire de Jingoro Hidari. Il est connu grâce à toutes ces anecdotes, cette légende en tant que sculpteur qui pouvait « insuffler la vie » aux animaux qu’il a sculptés. C’est alors que j’ai voulu créer toutes les marionnettes en bois et leur « insuffler la vie » comme Jingoro l’aurait fait, et ce grâce à la magie de l’animation en stop-motion.
C’est en fait après cela que j’ai contacté le Studio Tecarat ,car ils étaient un partenaire idéal pour créer les marionnettes en bois sur lesquelles reposait ce concept.
Muriel : J’ai beaucoup aimé la musique et son utilisation, et la modernité du morceau de rap à la fin. Est-ce que ce représentant de la volonté artistique aura envie de pousser dans le long métrage ?
Masashi Kawamura : Cette musique géniale a été réalisée par Spinmaster A-1 et Shing02. Je veux que tout ce qui concerne Hidari soit un mélange intrigant de styles nouveaux et anciens. Nous utilisons une technique traditionnelle d’animation en stop-motion, mais nous la mélangeons avec des mouvements de caméra et un montage modernes et dynamiques. Nous voulions également que l’expérience sonore reflète également ce sens du mélange. Spinmaster A-1 et Shing02 sont bien connus comme l’un des pionniers à combiner la musique et les instruments japonais traditionnels avec le hip-hop, nous avons donc immédiatement senti que leur style musical aurait une grande synergie avec nos visuels. Je suis vraiment content que nous ayons pu collaborer avec eux sur Hidari.
En tant que cinéphile, Le pilote m’a rappelé beaucoup de films de samouraïs, mais aussi The Blade (Tsui Hark) pour son énergie cinétique, et le travail de Sam Raimi. En tant qu’artiste ayant grandi entre les États-Unis et la culture japonaise, je suppose que ces influences ont été déterminantes pour vous en tant qu’artiste ?
Masashi Kawamura : Ah définitivement ! Comme je l’ai écrit plus haut, en termes de stop-motion, Ray Harryhausen, Kihachiro Kawamoto et Phil Tippett ont été mes inspirations. En termes d’action, j’ai été définitivement influencé par des films comme Yojimbo (Akira Kurosawa), The Blade (Tsui Hark), Evil Dead 3 : L’Armée des ténèbres (Sam Raimi), 300 (Zack Snyder), Kingsman (Matthew Vaughn), John Wick (Chad Stahelski), etc. Je pourrais continuer indéfiniment cette liste mais je vais m’arrêter là-dessus pour le moment.
Comment soutenir Hidari ?
C’est très simple. La campagne Kickstarter vient de débuter, et vous pouvez la rejoindre à l’adresse suivante : http://bit.ly/hidari-kickstarter afin d’accompagner le projet de Masashi Kawamura avec Whatever co., Dwarf Inc. et Tecarat, et soutenir par là-même d’excellents artistes dans un domaine, la stop motion, souvent invisibilisée au profit de l’animation 2D traditionnelle très prisée au Japon. C’est pourquoi je vous encourage vivement à rejoindre l’aventure pour aider à concrétiser ce projet très enthousiasmant pour le médium !
Pour achever de vous convaincre, je vous laisse entre les mains des artistes d’Hidari et découvrir l’excellent pilote de cinq minutes juste ci-dessous. Régalez-vous !