Maman pleut des cordes : interview du réalisateur et retour sur le WIP


Hugo de Faucompret (diplômé des Gobelins et membre du collectif Souviens Ten-Zan), se lance dans son premier projet télévisuel co-produit par Laïdak (Twingo Girl) et Dandelooo (Chien Pourri, Little Houdini). Un moyen-métrage de 26 minutes réalisé avec plus de 250 décors peints à la main, dont le work-in-progess est présenté à l’occasion de l’édition online du festival d’Annecy. J’ai eu l’occasion d’interviewer ce réalisateur prometteur en compagnie des deux fondateurs de la jeune boîte de production Laïdak, Antoine Liétout et Ivan Zuber.

Jeanne, 8 ans, est une petite fille au caractère bien trempé. Sa mère, en revanche, traverse une dépression; elle décide de se faire aider et envoie sa fille passer les vacances de Noël chez sa Mémé Oignon. Jeanne part en traînant les pieds : à la campagne, il n’y a rien à faire, et la maison de Mémé pue l’oignon ! Pourtant, contre toute attente, les vacances s’avèrent être une véritable aventure.

Où en est le projet actuellement ?Hugo de Faucompret : Il nous reste jusqu’à fin septembre pour la réalisation, et fin octobre pour la production. Nous en sommes aux deux tiers de l’animation, et au début de la colorisation. Durant vos études et encore aujourd’hui, quelles ont été vos principales influences ? H.d.F. : Des films comme Les Triplettes de Belleville ou Le roi et l’oiseau m’ont beaucoup influencé, tout comme les films de Miyazaki. Et puis, il y a la bande dessinée par laquelle je me suis initié au dessin. Je ne lisais que ça quand j’étais enfant et ado. Ma plus grosse influence reste les échanges récurrents avec l’équipe du collectif Souviens Ten Zan, fondé en 2013 avec des camarades de promo aux Gobelins. D’ailleurs, de nombreuses personnes du collectif travaillent sur Maman pleut des cordes, comme Eva Lusbaronian (directrice d’animation) ou Arthus Pilorget (directeur des décors).

Une galerie de personnages hauts en couleurs.

Extrait du WIP :

Eva Lusbaronian (directrice d’animation) : “Le processus de création des personnages a fait l’objet d’un travail de ping-pong entre Hugo, le graphiste Jules Rigolle et moi. Jules a lancé le style des personnages, puis Hugo a ajouté sa touche et a insufflé sa propre vision des personnages. Et moi je suis intervenue pour les adapter à l’animation. Ce qui était complexe à gérer c’était la multiplicité des personnages et trouver les bonnes astuces pour les rendre animables, tout en permettant à toute l’équipe de les dessiner.” Maman Pleut des Cordes a été initialement proposé en réponse à un appel à projets de TV Special de 26 mn lancé par France Télévisions fin 2016 (dont La vie de châteauétait l’un des lauréats). H.d.F. : Les thématiques du films m’intéressaient depuis un moment : la solitude, la dépression, le rapport entre les gens au sein des familles. L’appel à projets de France Télévisions a été un moteur ; je me suis dit que c’était l’occasion de pousser un peu plus loin cette idée. Malheureusement, le projet de Hugo de Faucompret n’a pas été retenu, mais cela n’a pas été un frein à sa réalisation.Antoine Liétout : Retenu ou non par France TV, on voulait absolument faire le projet car on l’avait adoré. Mais à partir du moment où il a été refusé, il fallait redoubler d’efforts car un 26 mn est très difficile à produire, c’est un équilibre économique très précaire. Partir de zéro en étant une jeune boîte aux côtés d’un réalisateur dont c’est le premier gros projet, c’était un vrai pari ! Ivan Zuber : En terme d’écriture, le 26 mn est un format très intéressant et c’est dommage que les chaînes n’en financent pas davantage.

L’un des 250 décors peints à la main de Maman pleut des cordes.

Ce choix des décors peints à la main évoque un retour aux sources de l’animation old school. Votre démarche est-elle partie de cette envie en particulier ?H.d.F. : C’était surtout le plaisir de travailler sur papier, un plaisir humble, agréable et apaisant, comme une forme de méditation où il n’y a pas de distractions. Et j’avais envie de faire un film “retour aux sources”, qui reprend la technique des œuvres qui m’ont plu dans mon enfance (les Disney, les films japonais) et rappelle aussi le graphisme des illustrations de livres pour enfants, riches et généreuse, pleines de détails (ce qui fait peur à la production parfois !) Comment parler d’un sujet si difficile à hauteur d’enfant ? Quelle(s) difficulté(s) avez-vous rencontrée(s) ?H.d.F. : La difficulté numéro un, c’est la réception des potentiels partenaires. Au départ, c’était plutôt un frein, mais on a fait en sorte de tourner ça à notre avantage. Même si la dépression est le sujet du fond, le film ne parle pas que de ça. Il parle aussi d’un retour aux choses simples de la vie, de la célébration du fantastique dans le quotidien. I. Z. : C’était le cheval de bataille du projet, mais c’est quelque chose qu’on défend chez Laïdak : parler frontalement de la vie aux enfants. A. L. : L’enjeu était de ne pas se travestir pour réussir à faire le film. Quand on commence à trop intégrer ce qui fait peur aux partenaires financiers, on finit par s’auto-censurer. Teaser de Maman pleut des cordes :

Le film a été porté par des financements tels que la bourse de la Fondation Lagardère et l’association Beaumarchais. A la suite de quoi, Hugo de Faucompret a réalisé le teaser en un mois, pour pouvoir le présenter au Cartoon Forum de 2018.Quelle a été votre inspiration pour le lieu de l’histoire ?H.d.F : Le village où habite Mémé Oignon, Le hameau de l’enfer, est un lieu qui existe vraiment et où j’ai passé mon enfance. Sinon, les lieux sont librement inspirés de la Normandie et de sa météo changeante, ainsi que d’univers de contes pas précisément définis. Comment s’est initiée la collaboration avec Lison d’Andréa au scénario ?H.d.F. : Pour ce premier long projet, j’ai tout de suite eu envie de collaborer avec quelqu’un à l’écriture et surtout avec une scénariste, parce que les trois personnages principaux du film représentent trois générations de femmes. A. L. : C’est Dandelooo (ndlr : les co-producteurs) qui ont suggéré l’idée de Lison, car elle travaille sur la série Chien Pourri qu’ils produisent. A la lecture de l’un de ses scripts, on s’était dit qu’elle pouvait apporter quelque chose au niveau de la structure, de la méthodologie et du ton.

Cloclo, personnage aussi tendre qu’impressionnant

Extrait du WIP :Lison d’Andréa : “Quand j’ai lu le matériel produit par Hugo, il y avait plein d’idées très riches mais il manquait vraiment une histoire forte. Ce qui m’a sauté aux yeux, c’est que c’était avec le personnage de Cloclo, qui a une puissance dramatique énorme, qu’on allait pouvoir traiter l’histoire de dépression d’une mère à hauteur d’enfant. Le plus difficile était de trouver le bon dosage, et d’équilibrer l’émotion et la comédie.” Maman pleut des cordes réunit un casting vocal de premier choix : Yolande Moreau (la fantasque Mémé Oignon), Arthur H (le blagueur et impressionnant Cloclo) ou encore Céline Sallette (qui incarne à la fois la force et la douceur de la maman). Comment avez-vous été amené à collaborer avec le compositeur Pablo Pico, et comment s’est organisé le travail ?H.d.F. : Pablo avait travaillé sur la musique de mon court-métrage Automne, réalisé pour le projet d’anthologie En sortant de l’école (ndlr : produit par Tant Mieux Prod). C’est très chouette de travailler avec lui car il est très à l’écoute et force de proposition. J’avais envie de voir ce que ça pouvait donner sur un format plus long, sur lequel on peut davantage se lâcher. Je lui ai envoyé une note d’intention musicale, avec des références et ce que j’attendais pour le film. Ce qui m’intéresse ce n’était pas de tout borner, au contraire, mais de lui laisser le champ assez libre. Après sa première proposition, on a affiné les couleurs des musiques, et la touche finale se fera en studio. Quels projets vous tentent pour la suite ?H.d.F. : J’ai des idées de BD en tête. C’est un premier amour auquel j’aimerais retourner. Aussi parce que faire un film, c’est long, et ça peut relaxer de produire des images plus rapidement. Je vais donc sans doute passer les un ou deux ans à venir à faire de la BD. Maintenant que je commence à maîtriser le format de 26 mn, le format de la série m’intéresserait aussi beaucoup, notamment pour le plaisir de développer des personnages et d’approfondir leur histoire.

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Le work-in-progress de Maman pleut des cordes sera disponible lors du festival online d’Annecy du 15 au 30 juin 2020. Après une première diffusion sur Canal+ à l’hiver 2020, le moyen-métrage bénéficiera d’une diffusion en salles via Les films du préau à l’automne 2021, et arrivera sur France Télévisions à l’hiver 2022.


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