Critique – Lupin III : The First


La bande annonce de Lupin III : the First vous donne des papillons dans le ventre ? Je vous comprends. Heureusement il sortira en France le 16 décembre 2020 ! Joli cadeau de Noël.

Dans cet opus, Lupin convoite le journal de Bresson, qui recèle les travaux d’un archéologue tué par les Nazis. Mais il n’est pas le seul à s’y intéresser et s’allie avec une apprentie voleuse, Laetitia, prête à tout pour découvrir les secrets du mystérieux carnet.

Vous l’avez noté, c’est un film animé en 3D et c’est le premier film Lupin à explorer cette technique. Mais qu’est-ce que ça veut dire être le premier film Lupin en 3D ? Lupin III (Rupan Sansei) est une série de manga et d’anime créée par Monkey Punch en 1967. La franchise se décline donc sur plus de 50 ans une petite dizaine de séries de manga dont certaines toujours en cours, 7 séries d’anime, des dizaines de téléfilms. Et régulièrement depuis les années 70, les aventures de Lupin III sont portées sur grand écran par des réalisateurs qui ont envie de se frotter à sa légende pour la faire grandir encore. On peut penser à Hayao Miyazaki avec Le Château de Cagliostro en 1979 ou plus récemment Takeshi Koike avec Lupin III : Le Tombeau de Daisuke Jigen ou Lupin III : La Brume de Sang de Goemon Ishikawa. En conséquence, le premier film d’animation en 3D d’une franchise de cette ampleur c’est forcément un moment particulier. Le réalisateur, Takashi Yamazaki, choisi pour cette opération délicate, qui a enfilé la double casquette de scénariste ici également, a déjà démontré sa capacité à relever ce type de challenge avec un succès retentissant pour le film en animation 3D Stand by me Doraemon, une icône de la culture japonaise ou avec le film méta hommage à un jeu vidéo cultissime dans Dragon Quest : Your Story. Alors vous allez rétorquer (et sûrement regretter) que les aventures de Lupin III ne sont pas toutes parvenues jusqu’en France, et donc que la légende s’écrit beaucoup au Japon, mais aussi en Italie où le personnage jouit d’un rayonnement particulier. Mais peut-être les trentenaires se souviennent de la série Edgar de la cambriole diffusée en France en 1985 ? C’est Lupin III ! avec une fausse moustache en raison de différends avec les ayants-droits de Maurice Leblanc. Aujourd’hui vous pouvez retrouver la série de 2015 Lupin III : l’aventure italienne sur Wakanim. Donc soit vous connaissez déjà Lupin et sa bande et vous attendez ce film avec impatience, peut-être en craignant d’être déstabilisé par le passage à la 3D, soit vous ne connaissez pas Lupin III mais vous venez de tomber sous le charme de ce personnage en image de synthèse après avoir croisé son regard sur l’affiche ou dans la bande annonce et vous vous inquiétez d’être perdu en mettant les pieds dans le dernier opus d’un demi-siècle d’aventures. Gros défi pour un film de concilier ces attentes diverses. Pour ceux qui seraient pas ou moins familiers de l’univers de Lupin III ou ceux qui ont envie de se rafraîchir la mémoire, je vous propose un rapide tour de table des acolytes de Lupin via l’ouverture du film, sur le mythique thème de Lupin III, signé par le jazzman Yuji Ohno et interprété par le groupe You and the Explosion band : une bombe d’énergie plein de cuivres pêchus qui vous donnent des ailes : https://www.youtube.com/watch?v=9xUAOEKuEtE Les plus frileux sur la 3D seront peut-être rassurés : le charme des personnages iconiques de la série est bien mis en valeur par l’animation. Loin de rechercher des effets hyper réalistes qui auraient rendu Lupin III et sa bande difficiles à reconnaître, l’animation s’amuse à jouer avec les lois de la physique et s’affranchit des contraintes de l’anatomie : l’accent est mis sur une légère suspension de la gravité, des accélérations surnaturelles, des membres qui s’allongent juste assez dans l’action, l’exagération des expressions du visage, pour caractériser chaque personnage efficacement et le raccrocher à ses 50 ans d’histoire en 2D. On ressent toute la liberté dans le traitement des mouvements et de mimiques propres à chaque acolyte historique : la nonchalance de Jigen, l’as de la gâchette à l’œil de faucon ; l’élégance sensuelle de la très indépendante voleuse Fujiko ; l’économie de mouvement et la vitesse foudroyante du sabre de Goemon sont au rendez-vous, de même que la maladresse empreinte de détermination de l’inspecteur Zenigata. Pour ma part, Lupin III occupe une place spéciale dans mon cœur depuis quelques années. Quand j’ai aperçu Lupin avec son nouveau design en 3D, c’était un moment étrange, comme quand un proche change de coupe de cheveux ou de pilosité faciale. Vous savez que c’est toujours la même personne mais il faut un temps pour installer la mise à jour dans votre cerveau. Mais passé ce léger moment d’inconfort, c’était bien Lupin, là devant moi. On le reconnaît à son sourire en coin bien sûr, mais on le retrouve surtout dans ses mouvements fluides et élastiques si caractéristiques, qui sont tout à fait respectés. Ce Lupin à la veste rouge rappelant celle de la 2ème saison (1977–1980), est le maître de cérémonie idéal grâce à son attitude respectueuse et malicieuse, en mode retour aux sources du personnage de la série animée (plus canaille et proche du manga dans ses versions récentes). Il évoque aux fans le gentleman du Château de Cagliostro et peut transmettre à un public neuf cette vision proche de ce Lupin initial. Et la transmission est au cœur du scénario lui-même, qui semble inviter le spectateur à fouiller archéologiquement l’univers de Lupin, Indiana Jones style. En premier lieu, j’ai envie de dire Cocorico ! Lupin III revient en France (enfin, à Paris surtout), sur les traces de son grand-père le fameux gentleman cambrioleur Arsène Lupin. A la poursuite d’un mystère archéologique sur lequel il est en concurrence avec des nazis, Lupin, accompagné par la jeune Laetitia, explore leurs passés dans une sympathique aventure. Un scénario qui ne brille pas par son originalité, ni par ses antagonistes cousus de fil blanc, mais qui va tout de même mener Lupin dans une direction surprenante. Pour autant le véritable ressort du film, celui qui peut mettre tout le monde d’accord, c’est que cette aventure est l’occasion de revisiter la série de Lupin III elle-même. Chaque situation est l’occasion de mettre en scène l’ensemble des références possibles et imaginables à l’univers de Lupin : carte de visite, masque, poursuite, gadget, ouverture de coffre, acrobaties, évasion … Là encore les codes de la série sont respectés et transmis jusqu’à la dernière scène. Je vous vois renifler le piège : OK pour explorer un temple maudit avec Indiana Jones mais pas chaud pour visiter un musée dans lequel seraient rassemblées les reliques d’une chouette série du siècle dernier. En effet, en visant l’exhaustivité, le film pourrait avoir tendance à accumuler les références, les clins d’œil et donc souffrir d’un des élans de générosité qui emportent parfois Lupin quitte à le mettre en difficulté. Lupin III : The First, trouve son équilibre en contrebalançant la nostalgie avec de belles scènes d’action rythmées et pleines de rebondissements, si la bande annonce ne l’a pas déjà fait, je vous propose de revoir ce trailer : Ici encore, la puissance de la 3D donne une autre dimension grâce à d’impressionnants décors monumentaux, des scènes de poursuite sur les toits à tomber à la renverse ou un plongeon d’un avion suivi d’une magnifique séquence de chute libre. La prouesse technique reste au service de l’énergie cartoon de Lupin III : un rétablissement à 90 degrés en bordure de toit, une mini cooper qui rebondit sur la route pendant une poursuite, Lupin qui nage la brasse dans les airs, … ce faisceau de détails restitue en 3D tout l’humour dans l’action qui fait la saveur particulière de Lupin III en 2D, version vivifiée. Au final, derrière ce joli film familial d’action aventure, Lupin III : the First condense avec beaucoup de respect les mille détails qui font l’énergie de la série Lupin III, ici boostée intelligemment par la 3D. Une belle porte d’entrée qui donne envie de voir l’exploration de l’univers se poursuivre, au-delà du plaisir nostalgique des références et des hommages, vers des territoires plus inédits. Tous nos remerciements au distributeur Eurozoom pour la vision du long-métrage. 


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