Critique – Yakari, la grande aventure


Yakari, c’est le plus vieux des jeunes Sioux. Avec 50 ans de publications, le personnage créé par Derib et Job a également connu deux séries animées dont la plus récente possède cinq saisons depuis 2005, débarque désormais sur le grand écran : après Samsam ou Vic le Viking, Yakari et Petit-Tonnerre bénéficient eux-aussi de l’aide de celui qui l’a porté à l’écran pour la première fois puisque Xavier Giacometti est toujours présent au poste de réalisateur pour cette nouvelle étape.

Alors que la migration de sa tribu est imminente, Yakari le petit Sioux part vers l’inconnu pour suivre la piste d’un mustang réputé indomptable : Petit-Tonnerre. Mais sa quête va l’entraîner très loin, jusqu’au territoire des terribles chasseurs à peaux de puma, pour vivre aux côtés de Petit-Tonnerre sa première grande aventure et trouver ensemble le chemin du retour.

C’est donc dans une 3D émulant la 2D que Yakari passe sur le grand écran, après deux dernières saisons de la série ayant elles-mêmes employé ce procédé, ce qui laisse déduire que l’évolution était naturelle pour la production de faire ce choix pour un long-métrage. assisté ici par le vétéran Toby Genkel (Oups j’ai raté l’arche, Le voyage de Ricky) Xavier Giacometti remet en scène une histoire d’origine pour Yakari, chose qu’il n’avait pas fait depuis le premier épisode de la série il y a une quinzaine d’années.

Comment remettre au gout du jour un personnage aussi classique que Yakari ? Une tâche en apparence simple mais qui doit se conformer aux contraintes du long-métrage, là où Derib et Job avaient posé les bases en 48 pages et Giacometti lui même en à peine 10 minutes lors du premier épisode de la série. Yakari, la grande aventure prend donc le bison par les cornes en profitant de l’opportunité du format long en étendant l’envergure des péripéties du jeune garçon. Laissant derrière lui ses amis Arc-en-ciel et Graine-de-Bison ainsi que le reste de la tribu dont on aperçoit un nombre de visages emblématiques pour qui a lu la bande dessinée (Celui-qui-sait, Œil-de-bouillon, Élan-lent…) en plus de ses parents et des nombreuses rencontres avec les animaux qui émailleront son voyage. Structurellement, l’histoire du film prend ici la forme du « retour à la maison », où ce dernier doit retrouver son campement avant le début de la saison des tornades et le départ de sa tribu vers des terres plus clémentes. Toujours dans l’ombre omnipotente de Grand Aigle, Yakari découvre qu’il peut comprendre et converser avec les animaux, mais surtout devenir ami avec Petit Tonnerre au sein de séquence où la notion de consentement est mise en avant. Le point de vue du poney, naturellement méfiant des humains qui le chassent, est abordé frontalement et les liens qu’il finit par tisser avec Yakari sont naturels, le métrage étant généreux en séquences où les deux sont présents. Les multiples rencontres avec les animaux sauvages (tous tirés des albums), tout comme les deux occurrences où le héros échange avec Grand Aigle sont hélas un peu moins heureuses car n’étant pas nécessaires que ça à l’action principale, faisant de l’arc concernant ses parents Regard-droit et Tresse-de-nuit l’autre vecteur de dynamisme, bien qu’un certain nombre de personnages animaliers soient boostés par la présence au casting voix d’Emmanuel Jacomy. La présence de Regard-droit comme Tresse-de-nuit en tant que sauveurs de leur fils est aussi appréciable, le couple réagissant comme tel, ce qui n’était pas le cas dans les bande-dessinées de l’époque.

L’autre élément qui pâtit de ce choix de privilégier les rencontres animalières sont les antagonistes secondaires, représentés par les jeunes chasseurs à peaux de puma, réduit à une bande d’adolescents un peu menaçants dont le côté bouffon a été mis en avant. Un geste qui peut se comprendre puisque c’est la nature qui prend la main avec ses éboulements rocheux, les cascades et les rapides (référençant le tome 3 et un peu le 15) et la fameuse tornade finale (le tome 22) qui constitue un climax tout de même satisfaisant à cette incursion en territoire hostile. Techniquement, cette grande aventure bénéficie d’une technologie que les plus vieux enfants auront déjà croisé dans un certain nombre de productions japonaises, notamment celles de Polygon Pictures (Godzilla, Blame!), à savoir le Maneki, une solution de rendu de J Cube et ici adaptée à l’univers graphique du petit Sioux. On peut du coup retrouver une stabilité et une extrême fidélité dans le design des personnages, mais en contrepartie d’une raideur dans l’animation qui n’est pas très heureuse, un mal surtout présent sur les humains, les animaux s’en sortant pour la plupart fort bien. Le grand point fort esthétique de ce nouveau long-métrage réside en fin de compte dans l’envergure mise en place pour raconter l’histoire. Le ratio choisi permet de garder de la verticalité et permet de profiter des magnifiques étendues de nature tout en évitant le cliché habituel du western, dans des territoires qui appartiennent encore aux peuples natifs, dont les chants sont évoqués dans la jolie bande sonore. Depuis les plaines où paissent les bisons jusqu’à la montagne enneigée qui domine une partie des horizons : le tracé de l’aventure de Yakari reste toujours clair. Les décors mis en scène sont à la fois un bel hommage à la bande-dessinée et aux peinture de l’ouest sauvage, quelques chose que je suis impatient d’également retrouver dans Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary. Sortant le 12 août, cette grande aventure de Yakari est le parfait film familial pour cet été, humble et rafraîchissant et dont j’espère un prochain épisode plus mystique, car chacun sait que le lapin Nanabozo peut être un sacré trouble-fête !


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