Critique – Maurice le chat fabuleux


Si les adaptations de livres en films sont légion, peu d’entre elles savent réellement tordre le matériau de départ pour en faire une œuvre satisfaisante. Si l’on circonscrit cet état de fait aux adaptations des livres de Terry Pratchett, l’on approche du néant malgré quelques belles tentatives, comme Good Omen. Ce n’est pourtant pas ce qui a fait peur à Toby Genkel et Florian Westermann, qui nous proposent ici en version animée Le Fabuleux Maurice et ses rongeurs savants, vingt-huitième volume (et premier livre pour enfants) des célèbres Annales du Disque-monde.

Maurice le chat fabuleux arrive dans une nouvelle ville, avec ses compères les rats. Un seul but : arnaquer tout le monde, puis ronronner sur un confortable tas de pièces d’or. Mais, à leur arrivée, des événements mystérieux et magiques troublent leur plan. Rien ne se passe comme prévu et ils décident de mener l’enquête. Démarre alors une grande aventure pour cette petite bande bien poilue !

Écrit par Terry Rossio et Robert Chandler, Maurice le chat fabuleux nous fait suivre une bien charmante bande de fripouilles, dont les membres humains sont loin d’être les plus intelligents et manipulateurs. Au premier plan de cette intrigue se trouve le personnage titre, chat menteur et veule dont la moralité n’est pas la principale préoccupation, ce que la voix de Hugh Laurie retranscrit avec délice.

Plus moraux et naïfs que Maurice, la bande de rongeurs savants menée par Dark Rator conduit une intrigue principalement cantonnée aux murs de la ville de Badigoince, autrefois prospère mais désormais à la merci de rats aussi furtifs que vicieux, et ce malgré la présence de dératiseurs dirigés par l’inquiétant Monsieur Patron (le savoureux David Thewlis). Ajoutez à ceci une couche métatextuelle avec la présence de Malicia (Emilia Clarke), narratrice puis héroïne de l’un des fils narratifs du film, et vous obtenez un film qui détourne les contes de fée de manière plus subtile que Shrek tout en sauvegardant l’esprit inquisiteur et frondeur qui caractérise les œuvres de Pratchett.

Coté esthétique et technique, Maurice le chat fabuleux bénéficie d’un character design de Carter Goodrich (Les Croods, la trilogie Dragons), qui signe quelques personnages atypiques avec en premier lieu notre chat roux au sourire carnassier, mais aussi une galerie de souris adorables et un antagoniste à la fois ridicule et effrayant. Finalement, ce sont les personnages humains qui sont les moins marquants, une fois passées les délicieuses caricatures que sont les rôles secondaires, dont une version du légendaire joueur de flûte de Hamelin qui vaut le détour.

Ce petit monde évolue dans de beaux décors, dont certains sont des lieux célèbres du Disque-Monde, et sont éclairés avec compétence pour mettre en valeur l’animation produite par Red Star 3D (StarDog & TurboCat), qui fait ici montre de beaux talents sur plusieurs séquences que je ne vous spoilerai pas ! De même, et bien que captive du quasi-lieu unique de l’action, la réalisation de Toby Genkel et Florian Westermann reste pertinente. Une bel exercice de la part de ce duo de vétérans; preuve qu’ils se sont retroussés les manches pour exploiter au maximum cet écueil de la narration.

Si l’on prend en compte les différents films précédemment produits par les parties en présence, depuis Ulysses Filmproduktion (Léo et les extraterrestres) au Studio Rakete (Oups j’ai raté l’arche), nous sommes ici en face d’une belle hausse de qualité et d’un bel exercice de qualité étant donné un budget en dessous des 20 millions de dollars pour ce qui est au départ un luxueux téléfilm destiné à la chaîne anglaise Sky.

Il est également utile de préciser que ce type de coproduction, souvent noyée par ses nombreuses parties prenantes (on a affaire à une entente entre Irlande, Royaume-Uni et Allemagne) pour un résultat insatisfaisant est ici complètement évité, pour notre plus grand bonheur et celui des fans de Terry Pratchett, qui ont ici un os à ronger en plus d’un spectacle mainstream qui ne prend pas son public pour des imbéciles.

Pour preuve, un certain nombre de séquences qui raviront les grands et impressionneront les plus jeunes (évitez le film pour les moins de 8 ans) qui adressent des thématiques dans la droite ligne des écrits de Pratchett : encore une bonne occasion de glisser, à l’issue de la séance, des livres des Annales du Disque-monde entre les mains de ce que l’on appelle grossièrement « le jeune public », il vous remerciera !

Maurice le chat fabuleux sort dans les salles le 1er février via KMBO.



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