Critique – Promare : une tornade signée Trigger !


Nous vous avons déjà parlé de Trigger il y a quelques jours, et voici venir le gros oeuvre : co-produit avec X-flag et Sanzigen, Promare est le premier long-métrage du studio, qui regroupe ici la totalité des stars de son staff au service de 151 minutes de grande maîtrise visuelle, avec une forme d’une richesse incroyable, n’en déplaise au fond signé Kazuki Nakashima :

Une énorme tempête de feu a dévasté la moitié des villes du monde, affaiblissant les hommes et donnant naissance à des mutants capables de manier le feu, les Burnish. 30 ans plus tard, un groupe de mutants terroristes, appelés les Mad Burnish, menacent de détruire de nouveau la Terre. Le seul rempart de l’humanité ? La Burning Rescue, une équipe de pompiers d’un nouveau genre qui vont entrer en collision avec les Mad Burnish.

L’un des aspects que j’avais laissé de côté lors de l’article de présentation du studio Trigger était l’importance de la musique créée par Hiroyuki Sawano, notamment sur Kill la Kill. On est ici sur une imbrication encore plus étroite entre son et image et cette combinaison gagnante ne vous laissera pas le temps de respirer. Muriel, qui avait pu voir le film lors du Festival International du film d’animation d’Annecy m’avait prévenu : on est pas loin de la setlist d’un concert : rien n’est plus vrai et les vingt premières minutes du film entre animation limitée, installation des enjeux et la présentation du monde futuriste qui mélange 2D (pour les personnages) et 3D (pour les environnements, méchas et véhicules) font déjà partie des entames les plus virtuoses du cinéma d’animation de la décennie.

Promare
Disclaimer : il n’y a aucune image disponible de Promare qui ne rende réellement justice à l’animation du film.

Pompiers pyromanes

Nos référents pour le film sont ici Galo Thymos, jeune pompier héroïque et idéaliste aux actions aussi folles qu’inconsidérées (un trope bien établi chez Trigger) et son antagoniste, Lio Fotia, leader des Mad Burnish, mutants contrôlant le feu ayant l’irrépressible besoin d’entretenir les incendies. Pour rehausser ces confrontations, nos pompiers possèdent des jouets de toutes sortes, depuis le camion jusqu’aux méchas, tandis que les Burnish se cachent derrière des armures stylisées. A ce sujet, la direction artistique de Tomotaka Kubo est brillante, tirant un profit maximum que peut offrir la 3D pour les objets tout en offrant des passages en animation traditionnelle qui ont fait la renommée de Trigger. Et de ce côté, si Kill la Kill était jusqu’ici le manifeste le plus représentatif de Trigger, Promare fait, en moins de deux heures, un travail similaire voir encore plus approfondi sur les obsessions thématiques et esthétiques des différentes tètes du studio, tout en sauvegardant une unité de ton grâce à la sincérité débordante de l’ensemble. Si Galo est souvent qualifié de crétin, il revendique pleinement ce statut, tout comme les raccourcis narratifs employés par Nakashima : antagonistes qui cachent leur vraie nature, gouvernement sécuritaire aux méthode policières quasi-fascistes, enjeux cosmiques, erreurs déjà survenues par le passé, on ne compte plus le nombre de ficelles avec lesquelles joue le scénario, mais ce qui compte c’est le résultat final, et ce dernier ne déçoit pas !

Promare
Lyo semble sortir d’un groupe de visual kei, mais comme 100% du temps chez Trigger, les apparences sont trompeuses

Le feu et la glace

Si l’intrigue joue les 100 mètres pour pouvoir boucler tous ses arcs, le rythme du film garde tout de même un bon rythme de croisière et prend la peine de creuser un minimum ses personnages afin que le public ressente quelque chose pour eux : outre Galo et Lio, les deux sœurs Ardebit permettent d’illustrer les deux cotés des idéalismes qui s’affrontent en marge de nos deux héros et la collections de seconds couteaux, même si peu exploitées, font des merveilles dans les séquences d’action pour soutenir et varier les mise en scènes. Et c’est sur la musicalité de l’ensemble des équipes que Promare trouve son meilleur appui, héritier spirituel d’une longue tradition d’OAV cinglés qui laissaient la part belle aux tours de forces animés fin 1980/début des années 90, honorant ces expérimentations en poussant l’intégration 2D et 3D sous le couvert d’une direction artistique ambitieuse sans pour autant s’abandonner aux délires méta comme devait le justifier l’excellent Spider-Man : New Generation.

Promare
Lorsque Galo galoche, le public devient fou

Futur en 4 dimensions

Sortant à peine une vingtaine de jours après Les Enfants de la Mer et une semaine après Wonderland, le royaume sans pluie, Promare permet au public français de profiter de l’un des nombreux futurs possibles qui se profile pour l’animation japonaise (sous réserve que le système déjà précaire sur laquelle elle repose ne s’effondre pas dans un futur proche) depuis les nombreuses émergences post-Ghibli pour entretenir le marché. Les distributeurs français prennent des risques pour vous proposer ces films, et c’est à nous de montrer que ceux-ci valent le coup d’être pris, surtout vu la diversité des genres qui vous sont proposés. Vous aimez l’action, la musique, les robots et les délires animés qui vont vous rester dans la tête longtemps après le choc du grand écran ? Promare est fait pour vous !


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