Critique – Abominable


Succéder à Dragons 3 dans la filmographie DreamWorks ? Le dernier né des studios DreamWorks avait à subir une forte pression et les équipes marketing l’ont bien compris en usant du logo de la saga à succès de Dean DeBlois pour promouvoir cette nouvelle histoire originale, écrite et réalisée par Jill Culton. La réalisatrice a un long parcours artistique qui l’a menée à toucher à presque toutes les étapes de production d’un film d’animation, d’abord chez Pixar, puis Sony Pictures, et enfin DreamWorks où le projet Abominable, auparavant intitulé Everest, a été mis en chantier dès 2010 (époque de sortie du premier opus de la saga Dragons). Il aura fallu du temps à l’adorable yéti pour être prêt à sortir de sa tanière !

Tout commence sur le toit d’un immeuble à Shanghai, avec l’improbable rencontre d’une jeune adolescente, l’intrépide Yi, avec un jeune Yeti. La jeune fille et ses amis Jin et Peng vont tenter de ramener chez lui celui qu’ils appellent désormais Everest, leur nouvel et étrange ami, afin qu’il puisse retrouver sa famille sur le toit du monde. Mais pour accomplir cette mission, notre trio de choc va devoir mener une course effrénée contre Burnish, un homme puissant qui a bien l’intention de capturer la créature car elle ressemble comme deux gouttes d’eau à celle qu’il avait fortuitement rencontrée quand il était enfant.

Pour un scénario original, le film s’en sort véritablement bien. Pourtant, il aurait pu faire redite car c’est déjà le troisième film de ces derniers mois à prendre pour thème le mythe du yéti, après Monsieur Link et Yéti et Compagnie; à croire que Bigfoot a le vent en poupe ! L’aventure de l’adolescente Yi, en marge de sa génération dans un Shanghaï trendy et connecté, dont le quotidien est bouleversé par sa rencontre avec une créature mythique échappée des mains d’un scientifique businessman, raconte le classique rapport entre l’être humain et l’animal, ainsi que le sauvetage de l’un par l’autre et l’inestimable bénéfice d’une telle amitié. Ce n’est pas sans rappeler le fil rouge de Dragons, mais Abominable affirme d’emblée son caractère et prouve sa cohérente unicité.

DreamWorks au coeur du pèlerinage émotionnel

Sous ses dehors d’aventures joyeuses, Abominable traite plus profondément de la détresse d’une ado qui n’arrive pas extérioriser le deuil de son père, et la distance que cet événement tragique a introduit au sein de sa relation avec sa mère et sa grand-mère. Si les ficelles peuvent sembler un peu grosses par endroits, le traitement du blocage émotionnel de Yi est indéniablement pertinent et fait écho à sa rencontre avec Everest de manière intelligente. L’émotion est là, et réussie. À travers la fable fantastique se dessine donc un apprentissage non seulement de la vie mais de la relation émotionnelle à ceux qui nous entourent. Nous sommes là face au parcours bien connu du héros de conte qui apprend de ses rencontres et y trouve les résolutions à ses propres obstacles. C’est tout simplement qu’Abominable est un conte moderne efficace et charmant.

Des personnages secondaires qui ne restent pas sur la touche !

Un des points notables du film quant à ses atouts revient sans aucun doute à la caractérisation des personnages qui accompagnent Yi et Everest dans leurs tribulations aventureuses. Jin, l’ado branché et hyper connecté, et le plus jeune, Peng, qui rêve de devenir joueur de basket. Les deux cousins habitent le même immeuble que Yi et se côtoient donc régulièrement, sans pour autant que la cohabitation soit facile entre les deux ados Yi et Jin. Entre humains également, l’expérience aventureuse sert le développement d’une amitié sincère. Même si l’on a parfois du mal à croire que Jin, si accro aux réseaux sociaux et soucieux de son apparence, prenne son parti de l’escapade dans laquelle Yi l’entraîne malgré lui. C’est que ce dernier cache un grand coeur, ce qui le rend aussi attachant que son petit cousin Peng, dont l’insouciance typiquement enfantine amène une certaine fraîcheur. Les trois jeunes héros, accompagnés du yéti, forment un groupe de personnages bien écrits qu’on a plaisir à voir interagir lors de scènes humoristiques ou d’émotion. On en redemanderait même un peu plus !

Où sont passés les vrais méchants ?

Un gros bémol tout de même, la platitude du personnage antagoniste, qui nous refait le coup cent fois attendu du retournement de situation et qui n’apporte pas grand chose, même dans ses interactions avec les personnages. Si l’on se rend vite compte que le plus gros du travail d’écriture s’est concentré sur l’héroïne, Everest et les deux personnages secondaires qui les accompagnent, il est bien dommage de constater que le rôle du méchant est une fois de plus plutôt insipide. Il n’est pas évident de construire un personnage de méchant moderne qui soit cohérent (donc si possible pas trop manichéen), et dont l’aura et la présence soient suffisamment fortes pour rester dans les mémoires. Est-ce l’un des maux de l’animation d’aujourd’hui ? Dragons 3 a, il faut bien le dire, plutôt déçu sur ce point, et les derniers méchants Disney ne sont pas des plus mémorables non plus qui rejouent presque tous sans exception la carte du double jeu, depuis que Sa Sucrerie des Mondes de Ralph a initié la tendance. Mais au-delà de cette remarque, Abominable se révèle un très bon divertissement made in DreamWorks. La qualité de l’animation ne déroge pas à la règle, et les paysages chinois à la beauté immersive participent au dépaysement visuel qui nous est offert. La musique de Rupert Gregson-Williams (frère d’Harry) accompagne honnêtement les images et signe un très joli thème repris plusieurs fois au violon dont joue Yi. C’est en tout cas un vrai plaisir de découvrir les histoires originales qui sortent de l’imagination des artistes du cinéma d’animation d’aujourd’hui, à l’heure où les adaptations façonnent la majorité du marché et où les remakes live d’un certain studio concurrent font grand débat… Un road movie joyeux et émouvant tout à la fois, qui vous garantit rires et dépaysement (voire larmichettes pour les plus sensibles d’entre vous) ! Sur nos écrans français dès ce mercredi 23 octobre.


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