Interview – Daniel Chong, créateur de We Bare Bears


Lorsque nous avons appris que Daniel Chong, artiste talentueux et créateur de la nouvelle série animée We Bare Bears serait au Festival International du Film d’Animation d’Annecy, la chose était entendue : il nous fallait le rencontrer pour parler avec lui d’animation, de webcomic et bien sûr, d’ours !
En tant que créateur d’une nouvelle série, avez-vous pu choisir les membres de votre équipe ou la production a également amené des gens pour vous aider dans cette tâche très spécifique ?  Oui, enfin j’ai pu choisir la plupart d’entre eux, J’ai pu en choisir la majorité, surtout en ce qui concerne les story artists. J’ai pu voir qui ils étaient, s’il pouvait se conformer au style, et c’est bien parce que ça devrait toujours pouvoir se passer comme ça. J’avais des idées en tête et il était important, selon moi, que ces personnes puissent m’aider à soutenir cette vision. Oui. J’ai pu voir sur tumblr que Maddie Sharafian a travaillé dans l’équipe, j’aime son style graphique.  Oui, Maddie, elle est incroyable ! Nous l’avons récemment dû la laisser partir, elle a trouvé un travail chez Pixar mais nous l’avons eu durant la première moitié de la saison et ça lui arrive de passer nous dire bonjour, elle était une grande valeur ajoutée à l’équipe, elle fut l’une des premiers à travailler sur le premier épisode et la première personne que j’ai engagé. J’avais vu son court métrage, Omelette, j’ai tout de suite su que cette fille allait parfaitement convenir au style de la série, et ce fut le cas ! Elle était parfaite, super bien.
We Bare Bears par Maddie Sharafian
Etait-ce difficile d’avancer avec cette équipe, de trouver les bons artistes ? Les débuts, sur une nouvelle série, peuvent être compliqués.  La sélection s’est faite lentement, ça n’a pas été tout de suite. On a lentement recruté les story artists puis seulement après ça nous avons le feu vert pour la série, nous avons voulu recruter certaines personnes qui se sont avérées indisponibles à ce moment-là… Je suis arrivé en avril, non pas de l’année dernière mais encore celle d’avant et nous n’avons pas commencé à lancer la chose avant août, quelque chose comme ça. C’était une très petite équipe et tout s’est accéléré, comme je l’ai dit durant le questions/réponses… Vous y étiez ?

Non, nous n’avons pas pu, nous étions sur d’autres conférences et interview, le planning était trop serré. 

(rires) Oh je comprends, je ne suis pas fâché ! J’ai parlé de, vous savez, comment c’est difficile de trouver de bons story artists pour notre équipe. Ça a été aussi compliqué de trouver un directeur artistique, ce qui a bien fait piétiner le processus, ce qui a fini par se résoudre.  ce ne fut pas assez rapide car le moment fut mal choisi.

Donc We Bare Bears est une série storyboardée ? Oui, elle est basée sur des outlines qu sont confiées aux storyboarders, qui vont écrire les dialogues, les blagues et composer l’image. Un sacré travail. 

Oui, complètement. Est-ce que la formule est similaire à celle de Regular Show ? Avec cet état d’équilibre au début, l’accident qui provoque les péripéties, et à la fin le retour à ce même état ? 
Oui. Ce qui est typique d’une série TV. Pour un film, on veut leur consacrer un arc narratif et les changer et la différence en TV est qu’il faudra les faire revenir à leur état de départ. Et c’est un gros défi car il faut penser avec de plus petits enjeux, de plus petit problèmes. Ça ne peut pas être des questions de vie ou de mort. Il faut être plus subtil sur les problématiques abordées, et une partie de ces problèmes seront les dynamiques entre les personnages. Ils sont frères, et ça donne des problèmes entre membres de la famille, et nous avons déjà créé de nombreuses intrigues là-dessus.

Alors, comment ça fait d’être le boss, celui qui est responsable ? Comment ça se gère ? 

C’est… différent (rires). Je n’ai jamais en charge une telle chose auparavant, vous savez. Avant ça je fus story artist, donc à la base je travaillais sous les ordres d’un réalisateur qui me disait quoi faire. Donc c’est un gros changement d’être à la tête d’une série et de faire ce travail de transmission des infos aux personnes qui doivent s’en charger. C’est quelque chose de difficile à enseigner aux gens. A l’heure actuelle, la seule manière que j’ai trouvé pour prendre ça correctement en main  est d’être à chaque réunion, autant que je le peux, et d’être impliqué dans toutes les réunions de scénario et de veiller sur les story artists, afin d’être sûr de rester sur la bonne voie. J’ai un réalisateur avec moi, il est excellent et sait aider, il est ma seconde paire d’yeux mais au final, pour moi, c’est un grand changement. Je veux dire, faire un webcomic était une manière d’occuper le temps libre et ça n’avait aucune conséquence : je dessinais, je m’amusais, c’était tout bête, personnel et tout. Désormais, c’est un boulot. Je dois parvenir à gérer tous ces gens et aussi satisfaire le studio, être sûr qu’il sont heureux avec ce que je produis. Il y a beaucoup plus de considérations extérieures à prendre en compte. Il est clair que c’est un autre état d’esprit.
Avez-vous des interactions avec les équipes des autres séries originales de Cartoon Network ? Nous savons que vous êtes dans le même bâtiment, du coup y a-t-il des idées qui circulent ? Est-ce une chose qui s’est jamais produite ?  
Oh, on est tellement occupés, la tête dans le guidon, que l’on a pas trop le temps de les voir. On partage une partie de nos locaux avec l’équipe de Uncle Grandpa et on se parle à peine, sans parler du fait que c’est pas du tout le même genre de série, ni le même genre d’humour, du coup il n’y a pas trop de communication avec l’équipe de cette série. On est bien sûr tous amis et lorsqu’on a commencé, ils ont été sympa et ils nous ont montré leur manière de travailler, puis nous avons constitué notre propre équipe et les gens ont arrêté de se parler. Mais je connais pas mal de ces personnes, je suis allé à l’école avec eux, JG Quintel de Regular Show était dans ma promo, Pen Ward dans la promo précédente, Pat McHale, de Over The Garden Wall étaient aussi avec moi donc on se connait tous de cette époque, il y a dix ans, mais on a pas le temps de parler.

Vous travaillez dans une sorte de bulle, en fait. Ouais (rires), on est très « dans sa bulle ».

 
Une case du webcomic orginal The Three Bare Bears

Est-ce que l’idée originale de The Three Bare Bears, le webcomic, a changé durant le passage au format de série ?

Oui. Il y a beaucoup de choses qui ont  été vraiment changées. La direction artistique, dont on parlé auparavant. Et la méthode de narration. Le pilote ne faisait que sept minutes, et lorsqu’on a dû négocier le passage au format d’épisodes de onze minutes, on a passé pas mal de temps à chercher la bonne méthode pour remplir le temps restant et comment l’histoire devait s’articuler car ce format-là n’était pas aisé. On a dû faire deux storyboards avant de faire le pilote. Maddie et moi en avons fait chacun un, le sien fut trop long et le mien trop court. Nous ignorions comment faire onze minutes et on dû apprendre en le faisant et se poser la question : quelle est la composition d’un épisode de cette durée, comment le ressent-on ? Comment créer cette base pour la série, qui serait aussi la base de chaque épisode ? Çà, ça a été un défi de réussir à le mettre en forme. Il y a un moment où ce fut difficile, avec la longueur des storyboards à définir. Ce fut notre principal défi. Et le webcomic, comme pour l’écriture, fut sujet à changement. parce que dans le webcomic ce que j’écrivais était un genre de flux issu de ma pensée et je ne savais pas où l’histoire allait. J’amenais les blagues à chaque case et je finissais pas trouver une manières de terminer la planche. Mais il faut être bien plus traditionnel lorsqu’il s’agit d’écrire une série, avec cette structure en “acte 1, 2, 3” bien plus classique et faire en sorte d’avoir un plan sur ce qui est raconté, quel en est le point culminant, l’action qui permet d’en arriver là et quel est leur sens, ce sont des choses qui ont dû être prises en considération.

Comment avez-vous créé ces personnages ? Quelles sont leurs origines ? 

Je les ai créés par hasard, alors que j’essayais de faire rire la nièce de ma petite amie. On était à la bibliothèque et je dessinais ces ours qu’elle a trouvé très amusant. De là, j’ai créé le webcomic et j’ai fait quelques planches. Je suis assez sûr qu’ils ont à voir avec le fait qu’en Californie, il y a beaucoup de choses qui sont liées aux ours, une école l’a en mascotte et dans son nom, il y a bon nombre de statues d’ours, donc c’est une forte possibilité que tout se soit mélangé dans ma tête, en résultant cette inspiration pour la série, de par le fait de vivre dans un coin qui étale une imagerie pleine d’ours.

Comment avez-vous amené l’idée de faire vivre ces ours dans un monde d’humains ? Ça nous rappelle l’un de nos films préférés, Fantastic Mr Fox.

Oh! j’aime beaucoup ce film, et j’aime beaucoup ce que fait Wes Anderson.  Nous avons beaucoup regardé ce film comme référence, étudiés comment les blagues sont posées, comment y sont mis en scène les situations. Ça nous a bien inspiré, nous l’aimons beaucoup, et j’adore la musique. Parfois, on a fait usage de cette musique comme musique temporaire sur les animatiques, parce que le ton est tellement approprié. Et pour répondre à la première partie de la question, j’ai trouvé ça marrant de mettre côte à côte ours et  humains, avec cette démarque visuelle, de les voir tenter de s’intégrer, mais à la fin thème même de la série, sa grande idée : “Essayer de s’intégrer. Trouver sa place dans le monde.” Et je pense que ces ours tentent de s’intégrer quelque part où ils ne sont pas à l’aise, mais ils y mettent du leur et c’est quelque chose qui va vous parler, vous savez, juste cette idée de se faire une place, et quelque part, rien à faire, vous n’avez pas l’impression d’en faire partie. Les ours ne peuvent tout simplement pas parce qu’ils ne sont pas humains. Thématiquement, c’est un visuel fort pour une idée forte. Ça accentue leurs besoin et ce auquel ils tiennent.

Merci à vous, Daniel.

Merci.
Un gif animé par Tom Law

Pour aller plus loin :

Daniel Chong a ouvert un Tumblr pour partager des dessins de la production de We Bare Bears avec le public et les fans, appelé We Draw Bears, il y aussi une page Facebook, We Bare Bears, et un twitter. Le webcomic original, Three Bare Bears, est toujours disponible ici. La première de la série aux USA de We Bare Bears sur Cartoon Network est ce soir à 6h30 à l’heure du pacifique et devrait arriver à la rentrée de septembre en France! Restez branchés ! Nous remercions Valerie Leroy de Cartoon Network France et l’équipe de Turner pour leur aide et avoir permis la possibilité de cet entretien. Cette interview a été éditée pour plus de lisibilité.

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